le_futur_arrive_maintenant.jpg
 

La civilisation occidentale en question

Nous avons l’impression qu’il faudrait tout changer, mais nous comprenons aisément que ce n’est pas possible. Alors existe-t-il un changement qui pourrait entrainer tous les autres.

C’est la question que je me suis posée en écrivant ce livre qui est en fait un travail de futurologue dans la mesure où il part du « sens de l’histoire » pour faire le point sur les mutations auxquelles nous sommes exposés actuellement.

Le sens de l’Histoire, c’est l’expertise du futurologue, une discipline, négligée en France depuis plus de 30 ans, qu’il convient de raviver.

 

S’intéresser à l’avenir

S’intéresser à l’avenir est une préoccupation pour les décideurs, depuis la nuit des temps. La divination a été l’approche privilégiée durant les derniers millénaires. À présent, nous nous tournons vers des méthodes plus rationnelles :

  • Les prévisions (3 ans), faites à partir de données chiffrées et ajustées avec des données stratégiques,
  • La prospective (10 ans), faite avec, ou sans études de scénarios, elle recherche les « futurs souhaitables » et leurs conditions d’accès,
  • La futurologie (30 à 50 ans, c’est-à-dire 1 à 1,5 générations), décrit le sens de l’Histoire et la manière de s’y adapter.

Deux formes de futurologie complémentaires :

  • Sytémique : en établissant des corrélations sur les statistiques, il est possible de prévoir certaines évolutions.
  • Cybernéticienne : en agrgeant les connaissances sur l'évolution de la géologie, la climatilogie, l'anthropologie, l'économie, la géopolitique et bien d'autres sciences il est possible d'interpéter les processus d'évolution des décisions prises par les Hommes.

Pour ma part, j’ai été initiée à la futurologie à Dauphine par Charles Salzmann. Cette discipline a été dispensée à la fin des années 70, durant une période très courte, ce qui m’intrigue encore aujourd’hui.

Le chargé de « travaux dirigé » de cette discipline était Jacques Attali. Je vois, à travers son dernier livre « peut-on prévoir l’avenir », qu’il continue, à sa manière, à développer les enseignements que nous avons reçus.

 

Qui est demandeur ?

  • Les états s’en servent pour orienter leurs développements intérieurs et extérieurs.
  • Les militaires s’en servent pour maîtriser la géostratégie,
  • Le cinéma et, plus largement, les produits culturels, s’en servent pour amener le public à se projeter dans le futur et éventuellement influencer les mentalités,
  • Les grandes entreprises, les starupers et les investisseurs s’en servent pour mettre en perspective les nombreuses innovations qui leur sont proposées.

L’innovation part d’une idée, mais les idées ne sont pas systématiquement vouées à un grand succès. Idéalement elles doivent être « time to market », mais pas seulement : elles doivent s’inscrire dans « le sens de l’Histoire ».

 

Où ?

La futurologie est pratiquée aux USA. La Chine s’inspire de nos meilleurs futurologues, dont la plupart ont été membres du commissariat au plan à l’époque de de Gaulles puis de Pompidou.

 

 

Comment travaille le futurologue ?

Le changement s’enclenche à partir du moment où les dispositions environnementales en vigueur ont atteint leurs limites et deviennent une entrave au développement de l’espèce humaine. Toutes les espèces vivantes évoluent vers toujours plus d’efficacité.

Par exemple, les éléphants sont devenus très gros pour dissuader les attaques des gros félins. Mais cette corpulence devient un handicap pour se protéger des braconniers et l’espèce est menacée, ce qui prouve que l’excès de spécialisation est dangereux.

Pour ce qui concerne l’homme, sont évolution est essentiellement dirigée vers l’efficacité cérébrale. L’homme développe son efficacité à deux niveaux :

  • Individuel : l’éducation, la morale, la spiritualité,
  • Collectif : la démocratie, l’économie.

Cette recherche d’efficacité amène des épisodes parfois violents.

C’est ce qu’il s’est passé au moment de la bascule du monde agraire (la société féodale – protection des terres) au monde industriel (la production efficace – le bien-être matériel).

C’est ce qu’il se passe actuellement puisque nous passons de l’ère industrielle (satisfaction des besoins matériels) à l’ère 2.0 (satisfaction des besoins relationnels).

Individuellement et collectivement, nous nous construisons notre avenir sur la base de notre passé :

· Le passé récent, qui est marqué par des innovations et des accidents dont nous nous souvenons,

· Le passé lointain, qui est presque imperceptible au niveau des individus, mais qui a une très grande force dans notre inconscient collectif. Il est représenté par des valeurs ancrées en nous qui s’expriment à travers des expressions et des gestes que nous effectuons sans nous en rendre compte. Ces éléments résultent de l’accumulation de l’expérience collective.

Pour prendre en compte le passé lointain, le futurologue part du travail des historiens, des archéologues et des anthropologues qui nous disent ce qu’il s’est passé et comment cela s’est passé. Le futurologue s’intéresse au pourquoi cela s’est passé.

Les changements collectifs se façonnent à partir des influences issues de nos aspirations et de nos intuitions.

Les prémices des changements sont d’abord ressenties par une petite frange de la population, en particulier les artistes et certains intellectuels qui sont donc également une source d’indication pour les futurologues.

Puis le changement devient plus perceptible et il incite :

  • Les créatifs et les opportunistes à trouver des solutions,
  • Les pessimistes à se replier (« on n’y arrivera pas ») ou se radicaliser.

Le changement devient réel lorsque la collectivité parvient à se mobiliser autour d’une utopie fédératrice.

Par exemple : L’ère industrielle s’est fédérée autour de la promesse : « le bien-être pour tous grâce au progrès technique ».

L’ère numérique s’impose autour de la promesse : « tout le monde peut faire de sa vie un œuvre ».

En interprétant ces mécanismes, le futurologue imagine :

· Des approches disruptives,

· Des chemins pour les mettre en œuvre.

Il présente sa vision et ses recommandations sous forme de propositions argumentées. Ce sont ses arguments qui constituent le cœur de son travail.

 

 

Exemple : évolution ou changement de civilisation ?

La question est, pour nous, les Occidentaux, de savoir si notre civilisation va mourir ou si elle est en train de se métamorphoser. Sa mort est-elle une fatalité ? L’ère industrielle constitue-t-elle une entrée dans une nouvelle maturité de l’humanité ?

C’est l’objet de mon dernier livre « Changeons de civilisation  ». Sa construction est organisée en 5 étapes.

 

  1. Nature du changement

Les historiens considèrent qu’il y a changement de civilisation lorsque 3 composantes bien précises du vivre ensemble se modifient simultanément :

  1. Les sources d’énergie,
  2. Les modes de communication,
  3. Une ou plusieurs valeurs fondamentales.

 

Pour ce qui concerne l’énergie et la communication, le changement est caractérisé par la mise en réseau et l’abandon de la distribution pyramidale.

Pour ce qui concerne le changement de valeur fondamentale, pour des raisons que je développe dans mon livre, nous passons de la loi du plus fort à la loi du plus adaptable.

Nous changeons donc de civilisation, mais d’une manière complètement nouvelle pour l’humanité :

  • Le phénomène est mondial,
  • Il n’est porté par une classe sociale qui devient dominante, mais par les générations montantes.

 

  1. Incidence sur les institutions

Nos institutions sont fondamentalement conçues pour développer l’ère industrielle. Elles ont été adaptées pour favoriser la mondialisation.

Si à l’ère industrielle, nous avions besoin de diriger les forces humaines vers toujours plus d’efficacité, à présent, nous avons besoin d’une gouvernance qui libère les talents, les savoirs et les capacités d’initiatives. Il ne s’agit pas de renoncer à notre agriculture ni à notre industrie. Il s’agit de développer en parallèle les modes de gouvernance qui qui favorisent l’éclosion de nos talents et nos capacités créatives.

 

  1. Comprendre le sens de l’histoire

Le modèle occidental est, plus ou moins, adopté par l’ensemble de la planète, bien qu’il n’ait pas été conçu pour cela.

Nous sommes les premiers à mesurer les limites de notre modèle. Nous sommes donc en apparence bien placés pour réfléchir à son évolution. Mais en réalité, nous sommes handicapés :

  • Les autres continents, qui eux aussi fabriquent leur futur, ont la possibilité de créer un système directement adapté à la nouvelle donne.

C’est ce que fait, par exemple, l’Afrique.

  • Pour avancer, nous devons accepter, collectivement, de sortir de nos dénis, ce qui n’est pas une chose facile pour les possédants qui ne savent pas si le changement leur sera aussi favorable.
  • Nous devons trouver la manière de développer de nouvelles formes de gouvernances tout en traitant intelligemment les bénéficiaires du modèle actuels car ce sont eux qui nous portent. Or, il ne faut pas passer par une phase de chaos.

 

  1. Repérer les options disruptives

Tous ces acteurs de l’ombre sont porteurs d’un bouillonnement d’idées, en apparence dangereuses pour l’architecture du modèle en vigueur. Il faut donc évaluer ces dangers.

Si le numérique et plus généralement le progrès se mettent à dévorer nos emplois nous avons des besoins nouveaux : les couches basses de la pyramide de Maslow (sécurité physique et physiologique) apparaissent comme quasiment acquises pour les générations montantes. C’est donc l’estime de soi qui devient un besoin à satisfaire. Ceci passe par le monde 2.0.

Par ailleurs, la mondialisation arrive à maturité. Les pays s’échangent de la matière 1ère et des produits d’exception. Les talents deviennent stratégiques.

L’occident, avec sa démographie arrivée à maturité a besoin, plus que les autres blocs culturels de développer ses talents.

Ceci nous amène à développer un terreau socioculturel de très haut niveau pour développer, retenir et attirer les talents, ce qui reconfigure la démocratie et le pacte social.

En effet, nous devons récompenser les tâches productives, comme nous le faisons actuellement, mais aussi les tâches contributives qui sont dédiées à l’enrichissement du terreau (famille, sport, culture, innovation, démocratie, spiritualité).

 

De nouveaux outils de gouvernance sont à imaginer.

  1. Mise en débat des propositions concrètes

Pour ma part, j’en ai retenu plusieurs propositions, en voici 3 :

  1. Accélérer le passage de la loi du plus fort à la loi du plus adaptable, car le monde n’est plus à conquérir mais à séduire. La compétitivité consiste désormais à attitrer à soi les meilleurs talents et leur donner les moyens de prospérer.

En clair, il faut libérer les capacités d’initiatives. Ceci passe par l’abandon des organisations hiérarchisées au profit d’un monde coopératif, sans doute holarctique.

  1. Reconsidérer les temps de la vie : permettre à chacun d’être contributif à chaque étape de sa vie,
  2. Récompenser les activités contributives au même titre que les activités productives, mais en combinant deux instruments nouveaux :
    1. Les monnaies complémentaires, qui sont capables d’être numériques, mathématiques et donc intelligentes, elles offrent des possibilités illimitées de mécanismes de récompenses.
    2. Le revenu de base qui permet à chaque individu de contribuer à chaque étape de sa vie, au grès des opportunités, à la vie de sa famille, d’œuvrer dans le monde de l’innovation et de la création et d’être présent dans la vie culturelle, sportive, politique ou encore spirituelle de la cité.

 

Ce qui compte dans le travail du futurologue, ce ne sont pas ses recommandations, mais les arguments qu’il met en débat.