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Une idée aussi vieille que les crises !

Le revenu de base est une idée très ancienne. Par exemple, les romains versaient des subsides à leurs concitoyens agriculteurs, victimes des concentrations de terres agricoles, suite au sur-enrichissement des riches. Le but de cette forme de revenu de base était d’éviter la violence dans la cité, car l’exclusion sociale favorise la violence. La violence était, par ailleurs, libérée dans les cirques.

Au début de l’industrialisation, des réflexions poussées ont été menées pour savoir comment fera-t-on lorsque les ouvriers deviendront inutiles dans les usines. Le revenu de base a donné lieu à des études approfondies, notamment à la demande John Fitzgerald Kennedy.

Si le sujet remonte à la surface actuellement, c’est parce que nous arrivons au bout des gains de profitabilité rendus possibles par les pays à bas coût et que produire près de ses clients avec des robots devient pertinent.

 

Distribuer le pouvoir d’achat correspondant aux biens et services produits

mais les entreprises qui relocalisent ne recréent pas les emplois détruits, loin s’en faut en raison des robots et des gains en organisation. Les emplois créés ne sont pas les mêmes, car les emplois que se réservent les hommes sont créatifs, décisionnaires ou managériaux, c’est-à-dire des emplois qui nécessitent une bonne préparation culturelle et éthique.

Dès à présent, il est possible d’acheter des baskets européennes vendues moins de 20 € avec une marge confortable : elles sont pour ainsi dire numériques de bout en bout et font concurrence à d’autres baskets résultant d’une chaîne d’intermédiaires beaucoup plus longue.

De plus, ces relocalisations s’inscrivent, si possible, dans la logique de l’économie circulaire, avec l’idée de produire moins mais mieux car les clients veulent consommer moins mais mieux à travers l’économie de la fonctionnalité (mise en commun des équipements qui s’y prêtent).

Ce mouvement nous amène au pied d’une problématique nouvelle : faire en sorte que des clients achètent ces bons produits alors que le nombre de salariés diminue de manière significative.

En effet, si le travail, au sens où nous l’entendons depuis un siècle et demi, disparaît, la distribution de salaires et de reversions (chômage, retraites) ne peut plus être le mode d’amorçage du processus économique.

 

Brève histoire de la monnaie

La monnaie, qui nous permet de faire nos emplettes, a une longue histoire qui n’est pas forcément celle que nous croyons. Avant la monnaie, pour échanger des biens et des services, les hommes utilisaient des batons de taille (partagé) ou des registres tenus dans les temples. Les unités d’échange utilisées étaient fonction de la matière locale communément disponible (mesure d’orge, poule, vache…). Régulièrement, les comptes étaient soldés entre les citoyens.

Malheur à celui qui ne pouvait pas faire face à ses dettes car cela voulait dire qu’il avait consommé plus de richesses qu’il n’en avait produit. La collectivité était sans pitié !… Mais, parfois le créancier se montrait magnanime, ayant conscience qu’un jour lui-même pourrait être exposé à l’adversité… C’est ainsi que le commerce reposait avant tout sur la confiance et l’esprit d’entraide.

Certains se débrouillaient mieux que les autres. Ils accumulaient beaucoup de richesses et donc faisaient des pauvres autour d’eux. C’était en particulier le cas des gouvernants, puisque leurs signes extérieurs de richesse avaient pour finalité d’imposer leur autorité. Alors, de temps à autre, les gouvernants annulaient les dettes, du moins celles liées au commerce ordinaire. C’est ainsi que chacun faisait attention à sa manière de commercer et que la prospérité se développait.

La monnaie, telle que nous la connaissons, avec l’effigie d'un gouvernant, a commencé à prendre forme à travers des jetons donnés aux premiers soldats de métier grèques puis romains. Ils les échangeaient contre des biens et des services auprès de la population, en acompte d’une part du butin qui serait éventuellement ramené de la prochaine guerre menée contre les voisins. Les citoyens se sont mis à utiliser ces jetons entre eux pour les échanges simples, ce qui évitait de les enregistrer sur les supports qui laissaient des traces.

Or, il s’est avéré que cette monnaie est devenue un moyen très efficace pour stimuler la vie économique locale et donc la prospérité.

C'est ainsi que la monnaie a d'abord été liée à la solde des soldats et indirectement à la dette publique.

Le commerce international a, de son côté, développé des instruments d’échange de plus en plus sophistiqués. La finance est apparue comme un savoir-faire complexe. Les gouvernants, convaincus par les banquiers de cette complexité, s’en sont remis à eux pour gérer la monnaie.

Les salaires s’inscrivent dans la prolongation de cette histoire.

Pour progresser sans cesse, les entreprises et les ménages investissent. Pour que cela soit possible, les banques sont autorisées à créer de la masse monétaire ex nihilo. Cette masse monétaire disparaît au fur et à mesure que les emprunts sont remboursés, ce qui fait que la masse monétaire n’est pas en expansion infinie et donc qu’elle ne se dévalue pas (sauf à favoriser l’inflation). Avant de disparaître, la masse monnétaire a permi de créer de la richesse et donc de distribuer des revenus (essentiellement des salaires durant le 20ème siècle).

Pour assurer leur existence et couvrir d’éventuels risques de non-remboursement, les banques demandent un remboursement supérieur à la somme prêtée. Il faut donc produire toujours plus de richesses pour rembourser plus que la somme empruntée.

Ce mécanisme fonctionne bien tant que tant que le progrès permet de vendre plus cher, ou en plus grande quantité, ou à un public plus large. Mais vendre un yaourt plus cher, alors qu’il coûte toujours moins cher à fabriquer, est contraire à la loi du marché. Vendre des yaourts au-delà de ce que la population peut en manger est impossible. Alors vendre à un public toujours plus large pourrait être la solution… Sauf que notre planète est n’est pas faite pour porter une population en expansion infinie.

Voilà pourquoi nous sommes à présent contraints de penser autrement l’instrument central de nos échanges : la monnaie et en particulier la manière de la mettre en circulation.

 

S’armer pour la guerre des talents

Donner l’argent sans contrepartie n’a pas réussi aux romains et heurte la culture que nous avons tissée depuis plus de 5 000 ans : "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front".

Le revenu de base tel qu’il est présenté dans les médias s’attardent sur la dignité des personnes. En effet, quelqu’un qui est privé d’emploi est privé de légitimité sociale. Or l’homme étant un animal affectif, il vit tellement mal cette mise à l’écart qu’il développe des pathologies physiques ou mentales qui coûtent à la société.

Ainsi, à défaut de mettre à mort les personnes « en trop » (les zentrops), le système les laisse péricliter à ses propres dépens !

  • Ceci est immoral : il y a certainement d’autres manières de traiter les excès démographiques.
  • C’est aussi absurde : en effet, si durant le siècle dernier, nous avons survalorisé les savoirs faire intellectuels, nous prenons conscience que tous les talents sont utiles, à partir du moment où ils ne sont pas pervertis. Ainsi, une nation a intérêt à favoriser la mise en valeur de ses talents disponibles sur son territoire puisque la création de richesses est la résultante de la mise en synergie de ses talents.

En effet, la compétitivité des nations passe désormais par sa manière de faire prospérer ses talents. La guerre des talents qui s’installe en ce début de siècle nous le confirme.

 

L’émancipation appelle la responsabilisation

Par ailleurs, l’ère agraire puis l’ère industrielle ont permis de rendre l’homme de plus en plus efficace pour assurer ses besoins physiques et physiologiques. À présent ce sont des besoins d’un niveau supérieur qui sont à pourvoir, en particulier l’estime de soi.

L’estime de soi n’est pas une marchandise. On se la procure en se rendant utile à la communauté, en œuvrant auprès des siens, mais aussi en élargissant les savoirs, en innovant, en développant la culture, la démocratie ou encore la spiritualité. Autant d’actions qui préparent l’avenir ou réparent le passé et qui, finalement rendent la communauté compétitive.

Mais ces activités n’ont pas de métriques. Elles ne peuvent pas s’acheter ou se vendre. Il faut néanmoins les encourager. Le minimum consiste à donner les moyens à chacun de donner du temps à la communauté pour cela.

Le montant du revenu de base versé à chacun n’est pas lié à la profitabilité de la nation, mais à ses ambitions. Il est versé dans une monnaie qui va évoluer car la "monnaie dette" actuelle ne convient pas à cette problématique nouvelle.

Le revenu de base émancipe les citoyens, mais il exige d’eux plus d’implication dans la vie de la communauté et d'ailleurs, il le souhaite.

Il revient à notre génération de traiter le problème qui est induit par les progrès techniques et organisationnels que nous poursuivons depuis que l’Homme est l’Homme. C’est le sens de l’Histoire.

C’est sur ces modalités d’implications des citoyens que se situe le débat, en ayant à l’esprit le lien avec les monnaies.