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    L’IA est inscrite dans notre processus de progrès

L’Homme progresse chaque fois qu’il tente de se libérer des vicissitudes de la vie quotidienne de manière à se consacrer à ses activités favorites : les relations sociales, la justice, la culture, le partage du savoir, l’innovation, la créativité, la démocratie ou encore la spiritualité. L’intelligence artificielle (IA), la mal nommée, s’inscrit dans ce processus.

Après avoir bâti nos compétitivités sur la maîtrise de la terre, de la finance, des énergies et de la communication, il s’agit à présent de se doter d’outils qui permettent de maîtriser la complexité. Car, pour aller plus loin dans la libération de nos contraintes sanitaires, sociales, cognitives, démocratiques et matérielles, nous devons être capables de maîtriser la complexité du monde.

 

Pour faire de la bonne IA il faut de bons algorithmes et de bonnes données et surtout de bons objectifs ! L’IA peut nous conduire vers un « vivre ensemble » de haut niveau sans renoncer à notre qualité de vie individuelle. Elle constitue aussi un redoutable instrument d’influence à des fins de conquête. C’est même plutôt ainsi qu’elle est développée actuellement.

 

 

  1. La propagande autour de la maîtrise de l’IA

L’IA, est régulièrement mise en scène pour nous faire basculer dans des imaginaires sinistres de films américains, ceux qui nous persuadent que le monde est VUCA (dangereux et incertain) et nous rappellent insidieusement que le grand frère américain veille sur le monde.

Ce qui n’est pas de la science-fiction, c’est que nous voyons émerger quelques castes qui s’organisent pour développer leur hégémonie numérique aux fins de manipuler ceux qui ne maîtrisent ni leur image, ni leur endettement, ni même leurs lois, ni, finalement, leur sort !

La lutte d’influence fait rage entre les zones géopolitiques. Les désastres démocratiques se multiplient. Alors, on s’impressionne mutuellement quant à la maîtrise puissance de calcul, la diversité des capteurs de données et la captation des sachants.

 

Les hommes se font la guerre depuis qu’ils créent de la richesse. L’espace numérique devient tout naturellement un espace de guerre. Mais, la-cyber guerre n’est pas la seule action que nous avons à mener.

Les leaders actuels poursuivent leur fantasme à devenir les maîtres du monde à travers leurs systèmes insidieusement dictatoriaux. Mais la notion de maître du monde est contraire au fonctionnement de la vie. La vie repose sur la diversité et non sur la standardisation à outrance. Ce fantasme, hérité des siècles précédents, n’est plus crédible. C’est là que réside l’opportunité de proposer un nouveau modèle de société, rendu possible par les potentialités de l’IA dans ses formes actuelles et futures.

 

  1. L’IA contribue au basculement sociétal

En ce début de 21ème siècle, le tissu entrepreneurial occidental se restructure en agrégeant 3 innovations : l’économie circulaire (incluant l’économie de la fonctionnalité), la robotisation et les big data. Tout cela est adossé à différentes formes d’IA.

Il s’agit de produire la juste quantité, au bon moment, au bon endroit, en économisant le plus de ressources possible : énergétiques, extractives et humaines. Nous assistons à une reterritorialisation de l’économie.

Ceci remet en cause le pacte social du 20ème siècle : l’économie marchande ne s’engage plus à salarier le plus grand nombre. Elle entend faire appel aux talents dont elle a besoin quand elle en a besoin. En effet, cette nouvelle économie joue sa compétitivité sur sa capacité à s’adapter et innover. Pour cela elle a besoin de talents de plus en plus variés qu’elle ne saurait salarier « pour le cas où ». C’est en les brassant sans cesse qu’elle favorise la créativité et l’ingéniosité. Pour cela, elle compte de plus en plus sur la sérendipité organisée par la collectivité à travers les instances dédiées à la création d’entreprise. La création de richesse devient l’affaire des communautés : leur capacité à jouer collectif.

Cette stratégie de restructuration progresse rapidement car elle est plébiscitée conjointement par les citoyens et par les investisseurs. Les uns pensent à la protection de leur environnement. Les autres espèrent une nouvelle forme de profitabilité.

Le paradigme qui en découle de cette bascule sociétale va redistribuer les cartes de l’attractivité des nations et donc de leur prospérité potentielle. En effet, si aux siècles précédents, l’avantage a été donné aux nations dotées d’une terre généreuse, puis celles dotées de sources d’énergie, à présent, l’avantage va être donné aux nations qui proposent à leurs citoyens un terreau social de haute qualité.

Ce terreau social s’obtient en libérant les énergies créatives et en fluidifiant la circulation des savoirs. Pour cela, il faut se diriger vers un modèle de société orienté vers le respect des temps de la vie de chacun, une administration facilitatrice, une démocratie organique… etc. Tout cela est adossé à différentes formes d’IA.

 

 

  1. Changement de paradigme

Les stratégies de basculement sont en préparation en différents points de la planète.

L’effervescence sur le revenu universel, les crypto monnaies ou encore les indicateurs de richesse à travers le monde sont liés liées aux innovations attendues notamment de l’IA. Par exemple, les leaders de la Silicon Valley financent actuellement, hors des USA, des expériences sur le revenu universel et les crypto monnaies expérimentales se multiplient.

A. L’effondrement du PIB

La recomposition du tissu entrepreneurial va conduire à l’effondrement des PIB. L’économie de la fonctionnalité va accentuer cet effondrement.

Exemple, avec la voiture autonome mutualisée, le parc automobile chute de 70 % et les gains en matière d’accidents et de maintenance des infrastructures seront de 50 %. Le schéma énergétique décarboné fait émerger des nouveaux acteurs organisés en réseau peu créateurs d’emploi… etc.

Or, dans notre modèle actuel, le revenu d’un état dépend de son PIB. Le modèle qui va s’imposer redessine la frontière entre le bien privé et le bien commun : l’innovation devient une affaire collective, basée sur l’accumulation de savoirs et l’encouragement aux initiatives.

 

B. Vers un pacte social orienté « je – nous »

Il est simpliste de croire que les emplois salariés détruits dans les secteurs régalien et marchand vont être remplacés par des emplois que nous ne connaissons pas encore.

Les femmes ont divisé par 4 en un siècle le temps passé dans la cuisine, parce que celle-ci a été fonctionnalisée. Aucune femme ne souhaite revenir en arrière.

Les pays les plus robotisés ont certes créé des emplois chez eux, mais ils l’ont fait en détruisant de l’emploi chez les pays qui achètent la production de leurs robots.

Chaque fois que l’homme trouve le moyen de se libérer de tâches qu’il n’aime pas ou qui nécessitent des potentiels qui vont au-delà de ses capacités, il se met à développer des biens ou des services qui répondent à des besoins d’un niveau supérieur. Ces nouveaux besoins sont identifiés par les générations montantes : ils concernent l’amélioration de la qualité du vivre ensemble. Il ne s’agit pas de pousser encore plus loin le consumérisme, mais de permettre à chacun de réussir sa vie.

Les citoyens veulent réorienter le temps libéré par les robots vers le développement du bien commun, ce qui tombe plutôt bien puisque la compétitivité des nations va dépendre du dynamisme de ces formes de contribution. Ceci induit donc la mise en place progressive d’outils de gouvernance qui encouragent cette réorientation. C’est la raison pour laquelle nous voyons les réflexions sur le couple « revenu de base – monnaies complémentaires » s’intensifier.

Durant le 20ème siècle, le salaire a constitué le mécanisme de ruissellement du pouvoir d’achat auprès des ménages de manière à ce qu’ils se procurent les biens et les services qu’ils ont eux-mêmes produits. A présent, il est nécessaire d’enrichir ce mécanisme pour y inclure les biens et les services dédiés à la communauté sur le long terme.

Ces biens communs concernent le temps alloué à la famille, aux savoirs, à l’innovation, à la démocratie ou encore à la spiritualité. Ils concernent également des services qui ne peuvent être sérieusement développés avec une logique productiviste. Ce sont les tâches emphatiques liées à la personne : résolution de conflits, médecine sous toutes ses formes… Ces tâches ont en commun le fait de ne pas avoir de métrique. Elles ne peuvent entrer dans le mécanisme de la « monnaie dette » qui a été conçue pour faire prospérer le secteur marchand et son mécanisme de productivité concurrentielle.

Il nous faut donc d’autres formes de distribution de revenus via d’autres formes de monnaies, correspondant à ces formes de création de richesses pour le moment laissées au bénévolat et au volontariat, donc sans mécanisme de reconnaissance.

Ces monnaies doivent être partiellement interopérables avec la « monnaie dette » de l’espace productif. Ceci semble possible avec les monnaies basées sur la blockchain. Ces monnaies complémentaires, appliquées notamment à la recherche et l’innovation, ont pour objectif d’enraciner nos savoirs et concrétiser ce capital local.

La réflexion sur le couple « revenu de base – monnaies complémentaires » a pour objet de repenser la stabilité sociale, harmoniser les différentes formes de contributions et permettre la plus juste répartition des richesses.

 

C. Répondre aux besoins des personnes mais aussi des collectivités

Si l’ère industrielle a pu émerger en favorisant la concentration capitalistique et les ressources humaines, l’ère numérique repose sur l’optimisation des ressources extractives et productives, le développement des savoirs, la prospérité des talents et les encouragements à prendre des initiatives. Les nations doivent se doter d’outils de gouvernance attractifs. En effet, le savoir circule sur le Net et les talents sont une affaire de hasard. Toutes les nations sont potentiellement dotées de talents et ont accès au savoir. Elles se différencient par leur capacité à les attitrer, les retenir et les faire prospérer.

La logique actuelle est essentiellement financière. Elle repose sur le $. Celui qui possède la machine à produire des $ peut fabriquer des mastodontes technologiques, en agrégeant les innovations des meilleures startups rachetées à bon prix à travers le monde.

Comme le montre l’étude du Medef « guide des écosystèmes numériques mondiaux » (12/17), les écosystèmes « matures » (dont la France) jouent le rôle de fermes d’élevage pour les écosystèmes « réellement leaders » (USA et Chine). L’activité de « revente de leurs startups », bien qu’elle permette une précieuse accumulation de savoirs, ne suffit pas à créer une dynamique financière qui leur permettrait de devenir à leur tour un réel leader.

La situation peut sembler sans issue. C’est sans compter sur la réalité du fonctionnement des communautés humaines. L’Homme fini toujours par démanteler le système qui ne fonctionne plus au profit d’un nouveau, capable de répondre à de nouvelles attentes. Cela passe généralement par une défiance croissante face à une gouvernance de plus en plus bloquante au regard du progrès qui se met à devenir réalité. C’est ce qu’il se passe actuellement avec l’accroissement des inégalités pécuniaires.

Le passage de l’ère agraire à l’ère industrielle a reposé sur une aberration économique qui atteint ses limites : si la productivité d’une terre agricole repose plus sur la qualité de la terre et sur la météo que sur le travail du cultivateur, la productivité manufacturière peut s’obtenir via l’exploitation de l’Homme par l’Homme. Les profits étaient certes mal répartis, mais le cynisme n’atteignait pas le niveau de la mondialisation actuelle où la profitabilité dans le monde de la finance s’accommode des approximations démocratiques, sociales, économiques et environnementales, via le circuit des lobbies et des paradis fiscaux.

L’arrivée des robots permet de sortir de ce désastre.

 

Dans l’économie de l’immatériel, la motivation des collaborateurs devient déterminante dans l’espérance de productivité. Le cynisme devient impossible car un esprit démotivé perd sa créativité et son ingéniosité. Dans le même temps, les consommateurs, de plus en plus avertis, se méfient des entreprises aux comportements douteux.

Ainsi, les gains apportés par l’IA est les autres progrès ne peuvent durablement s’accumuler dans les poches de certains sans créer tôt ou tard une crise sociale majeure. Les nations prévoyantes vont prendre les devants en rendant leur économie contributive, autonome et attractive. Elles vont distinguer le capital productif et le patrimoine commun et créer une dynamique entre ces deux systèmes socioéconomiques.

La monnaie est en quelque sorte l’hormone qui permet aux hommes d’échanger les biens et les services. Un organisme qui ne possède qu’une seule hormone est un organisme rudimentaire. L’économie est une affaire d’échange. Toutes les économies en détressent recréent de la monnaie. Sans elle, les hommes ne peuvent mutualiser leurs talents et leurs initiatives.

Pour construire, les hommes ont besoin de stabilité. L’économie actuelle, de plus en plus basée sur la mutualisation des équipements, dépoitrimonise les citoyens. Il faut donc recréer du ruissellement économique qui crée de la stabilité matérielle : accès aux équipements, dont l’habitat, le savoir, le transport et qui garantit la suffisance en matière de besoins primaires. Comme les entreprises, les nations ont des coûts fixes. En l’occurrence, le coût de fonctionnement de ses biens communs et l’efficience de sa population.

 

 

  1. Mieux que l’enfermement des GAFA / BATX

C’est ce type d’instrument de gouvernance qui va nous permettre de sortir de l’enfermement mortifère des GAFA (M) et de leur homologue BATX chinois : un modèle centralisateur qui tue la vie parce qu’il écrase la diversité.

En proposant aux citoyens une vision prometteuse, toutes les réformes sont possibles ! La France, pays du « bien manger » sait se mobiliser lorsque ses richesses sont menacées. Aujourd’hui, c’est son savoir qui est pillé et sa liberté de penser qui est mise sous tutelle.

La technologie évolue sans cesse, ouvrant de nouvelles opportunités à de nouveaux entrants. La structure de l’Internet est en voie de reconfiguration à l’occasion de l’émergence des objets connectés. Les data des GAFA sont des données déduites de nos actions sur le Net, alors que nos systèmes administratifs, éducatifs, sanitaires ou encore bancaires sont en mesure de nous fournir des données objectives, à condition de dépassionner le débat sur les données personnelles pour le ramener à un débat fonctionnel, stratégique et éthique. En effet, nos données sont le reflet de notre intimité, mais une fois anonymisées (avec précaution), elles deviennent un bien commun qui permet de développer de la prédicitivté et de la prévention et donc de la souveraineté.

Les avancées apportées par les RGPD vont dans le bon sens, mais une réflexion stratégique plus approfondie s’impose.

 

  1. Cas concret : la justice

La justice est une fonction éminemment régalienne. Pourtant, si nous n’y prenons garde, la pénétration de l’intelligence artificielle dans nos vies va disrupter cette fonction et menacer notre vivre ensemble, selon plusieurs processus mal pris en compte actuellement.

 

D. Code is law !

Peu à peu, « le code (des programmes informatiques) dit la loi », mais nous n’avons pas de garantie sur ces innombrables morceaux de code contenus dans nos objets connectés, nos robots et nos systèmes informatiques. À l’heure actuelle, il n’existe pas d’ordre des informaticiens, ni d’agence compétente pour surveiller la rectitude des machines qui nous assistent ou qui pilotent une partie de nos vies.

 

E. Mieux que la justice express

Pour le moment, la justice expérimente une manière de s’approprier cette innovation à travers un collectif de magistrats, d’avocats et d’éditeurs d’ouvrages juridiques. Leur objectif : entrer les jugements et les arrêts dans un système d’IA pour permettre d’évaluer rapidement le délibéré potentiel d’une affaire au vu de ses caractéristiques et sa localisation géographique. Une justice plus rapide, voilà qui semble une bonne nouvelle.

Hélas, malgré tout l’enthousiasme qui est mis dans ce projet, le résultat s’annonce toxique :

  • Dans l’état actuel des moyens disponibles, les systèmes mis en œuvre relèvent de l’IA « faible », ce qui va appauvrir la pratique judiciaire. En effet, nous le constatons avec les réseaux sociaux qui utilisent des techniques semblables : ils tentent d’élargir notre carnet d’adresses en nous proposant des profils dont ils pensent qu’ils nous ressemblent… ce faisant, ils nous enferment dans un circuit d’internautes qui voient le monde avec le même prisme supposé que nous : notre champs de vision s’atrophie, nous comprenons mal le monde dans sa diversité et nous devenons anxieux.
  • Les métiers liés à la justice font partie des professions les moins aimées des citoyens car ils sont perçus comme opaques, sans transparence, sans souci de progrès. La justice express qu’ils préparent va accentuer cette situation dangereuse pour la nation.

 

Une autre approche est possible :

  • En s’inspirant de ce qu’il se fait dans le domaine de la santé, il est possible de conférer à la justice une responsabilité de prédictivité et donc de préventivité. Cette idée est nouvelle : les juges actuellement ne sont pas responsabilisés et la justice n’est pas responsabilisée sur la réduction du nombre d’affaires qui lui sont confiées.

La numérisation des jugements et des arrêts constitue une mine d’informations pour :

    • Améliorer des relations familiales, professionnelles, commerciales ou sociales,
    • Faire entrer nos codes dans des processus de simplexité, objectivement impossible sans cette assistance technique.
  • Le principe selon lequel nul ne doit ignorer la loi a été discrètement abandonné face à la complexité et l’évolutivité de nos codes et autres réglementations. Mais il est possible de mettre à la disposition du public le système expert que les professionnels de la justice préparent actuellement à leur seul profit. Grâce à ce système, les justiciables pourront évaluer leur situation :
    • En renonçant à un projet qui présente des risques,
    • En ayant recours à la médiation plutôt qu’à la justice (ce qui encourage à développer une médiation efficace et bienveillante),
    • En ayant une parfaite connaissance de la chose soumise à l’arbitrage de la justice.

 

Une justice plus sereine constitue un prérequis pour favoriser l’esprit d’initiative. Toutes les grandes thématiques régaliennes sont concernées par ce type d’approche.