economiste_desinvolte.jpg
 

Peur du suicide collectif

Le réchauffement climatique amène à faire le procès d’un modèle de société basé sur le « toujours plus ». Les outils de pilotage de notre économie sont fondamentalement tournés vers ce « toujours plus ». Cela fait plus de 6 000 ans qu’il en est ainsi. À la sortie du 20ème siècle, ce modèle dépasse les limites physiques de la planète (eau, air, terre…) et les limites sanitaires pour les hominidés.

Indicateur simpliste, mais parlant : la dette mondiale est deux fois et demie plus élevée que PIB mondial ! Nous dispersons les ressources potentielles de nos enfants.

Ce modèle s’est instauré au fur et à mesure que nous nous sommes sédentarisés. Nous avons voulu dompter la nature via l’agriculture, puis la matière via l’industrie. Ceci nous a entraînés dans une lutte féroce et pleine d’aléas. Nous nous sommes protégés autant que possible contre la peur de manquer… alors même que Dieu nous avait dit que nous trouverions tout ce dont nous avions besoin dans la nature !

Surexploitée, la nature se rebiffe. Il va donc falloir passer à un autre modèle de société. Ce modèle, nous ne le connaissons pas. Nous devrions passer du temps à l’imaginer. En réalité, nous allons y migrer sans rien savoir de lui ! Nous allons le fabriquer en chemin.

Hasardeuse façon de faire, alors que nous avons accumulé plus de 100 000 ans d’expérience sociale, surtout en Afrique (berceau de l’humanité) et en Europe (berceau de la démocratie et de l’humanisme) !

 

Le rôle de think tanks

Pour changer de modèle de société, il faut en repenser les nouveaux fondamentaux au regard des nouvelles priorités. Sur cette base, nous pourrions redessiner le fonctionnement de nos institutions.

Nous allons encore avoir besoin de satisfaire nos besoins primaires, mais, en plus, nous allons vouloir satisfaire des besoins immatériels (estime de soi). Les richesses immatérielles ne suivent pas du tout les mêmes principes économiques que les richesses matérielles. Par exemple, elles se bonifient lorsqu’elles sont utilisées et partagées.

Il faut sans doute mettre un peu d’ordre sur la manière de satisfaire nos besoins primaires. La nouveauté est que nous devons en plus imaginer la manière de satisfaire nos besoins immatériels. Nous allons devoir être imaginatifs et audacieux !

Bien entendu, cela ne va pas de soi parce que nos institutions actuelles sont fondamentalement faites pour protéger le modèle de société en vigueur qui est très spécialisé dans la satisfaction des besoins primaires.

 

Les think tanks permettent aux citoyens de venir frotter leurs idées et de les affiner. Ils leur donnent surtout la possibilité de se préparer à être les acteurs du changement.

En matière de consommation alimentaire, les citoyens modifient progressivement leur consommation : la quantité cède du terrain au profit de la qualité. Ils ne sont plus obsédés par la « bagnole » et s’interrogent sur leurs placards qui débordent… Ce sont surtout les générations montantes qui développent ce mouvement.

 

Processus trop lent au regard des enjeux ?

Les indicateurs alternatifs fleurissent plus vite que les organisations ne peuvent se les approprier et ils n’ont pas d’effet réel sur les fondamentaux des gouvernances actuelles, comme par exemple à propos des mécanismes monétaires, ou de la notion de démocratie représentative.

Cependant, à force d’être promus et discutés, ces indicateurs font progresser la pénétration du poids des « créatifs culturels » à travers le monde. Leur espace d’expression couvre déjà, dit-on, plus du quart de la population mondiale, soit un taux suffisant pour penser que la dynamique de migration vers un nouveau modèle de société est en cours, de manière irréversible.

Cela peut sembler réjouissant pour les uns et angoissant pour les autres… mais attention ! Les créatifs culturels ne doivent plus se contenter de dénoncer le système actuel ni de prétendre le changer. Ils doivent se poser la question : quelles sont les nouvelles valeurs qui mobilisent les générations montantes ? À partir de ce travail, il devient possible d’imaginer les modes de gouvernance qui vont devenir porteurs.

Nous savons déjà que l’adaptabilité des structures de la société et l’attractivité des talents deviennent la priorité absolue en termes de compétitivité pour les nations.

Si certains indicateurs bien choisis nous aident à évaluer nos progrès, ne nous privons pas de les mettre en place. Mais, soyons créatifs en matière de monnaie et d’organisation démocratique. Le reste suivra ! Ces questions, fort complexes et peu prisées des institutions sont, néanmoins, passionnantes. Nos enfants pourraient nous reprocher de n’avoir pas eu assez d’audace et de créativité pour s’y atteler.