maison_dans_60_ans.jpg
 

Le changement de civilisation

Si vous ne le savez pas déjà, je vous annonce que nous changeons de civilisation. Je vais surtout vous dire pourquoi : un tel phénomène se caractérise par la modification simultanée de 3 éléments :

  1. La maîtrise de nouvelles énergies
  2. L’évolution des modes de communication

Ces deux premiers piliers s’appuient désormais sur la maîtrise des réseaux, ce qui va influencer fortement la structuration de notre nouveau modèle de société.

  1. La remise en cause de textes fondamentaux porte sur les premiers versets du livre de la genèse qui invitent l’homme à dompter la nature. Nous savons désormais que nous ne pouvons pas la dompter, mais seulement composer avec elle, comme le font toutes les autres espèces sur cette terre.

La loi du plus fort devient la loi du plus adaptable.

Ceci nous amène à mieux gérer simultanément le court terme et le long terme. Concrètement, cela veut dire que le critère de profitabilité ne peut plus être le seul critère de nos gouvernances.

 

Le changement que nous vivons est d’une amplitude supérieure à celui de la sédentarisation. L’ennui, c’est que nous ne disposons pas de beaucoup de temps pour nous adapter. Nous sommes pressés par 3 phénomènes : la démographie, le climat et le numérique.

Quoi qu’il en soit, nous avons l’opportunité de faire émerger un nouvel idéal de société. Nous avons les moyens et le devoir de le faire pour nos enfants. Sans cet exercice, nous sommes incapables d’anticiper l’évolution de notre habitat et nos infrastructures… Or, les mutations qui s’annoncent semblent de grande ampleur !

 

Changement des modes de gouvernance

Il y a plus de 60 000 ans nous vivions dans une société de type matrilinéaire où la pulsion de vie était prioritaire.

Avec la sédentarisation, nous sommes passés à une société patriarcale où la pulsion de mort a pris le dessus en parallèle du développement de la notion de propriété et de rente. Fortement soumise aux aléas de la nature, la crainte de manquer nous a imposé de développer un comportement concurrentiel, voir même prédateur.

Cette structure de société s’est affirmée pendant l’ère agricole puis l’ère industrielle. Dans le même temps, la spiritualité s’est simplifiée puis affaiblie au profit du matérialisme.

 

À présent, nous prenons conscience de la complexité du monde, mais aussi de sa richesse. Nous sommes conscients que la diversité des talents de nos concitoyens est nécessaire pour évoluer positivement dans cette complexité. C’est ainsi que nous devenons coopératifs.

Nous décuplons notre recours au numérique qui nous permet de tirer le meilleur parti possible cette complexité.

Le consumérisme laisse peu à peu la place à des aspirations plus diversifiées, comme par exemple le plaisir de partager des savoirs et des idées pour innover, le désir de démocratie active ou encore l’ouverture à des formes de spiritualité, encore mal définie.

 

 

L’Homme nouveau

L’Homme, qui émerge de ce bouleversement sociétal, est mobile, pas nomade, mobile. Il se dépatrimoinise matériellement et cherche à s’enrichir de savoirs, de relations, d’expérience et de culture. Il se dirige tout droit vers l’économie de la fonctionnalité : accumuler des biens n’est plus sa priorité. Par exemple, il ne veut pas posséder une voiture, il veut simplement se déplacer.

Le modèle de notre société, basée sur la propriété et sur la rente, cède ostensiblement la place à un autre modèle qui n’est basé sur le « toujours plus », mais sur le « toujours mieux », ce qui bouleverse le modèle socioéconomique actuel.

 

Le bien commun redevient une préoccupation. En effet, nous prenons conscience que chaque initiative individuelle ou collective a une externalité positive ou négative à court ou à long terme sur le vivre ensemble et la communauté. La communauté doit avoir les moyens d’en tenir compte pour encourager les comportements vertueux et dissuader les comportements toxiques.

 

Passage d’une civilisation à une autre

Les civilisations naissent et meurent. Leur effondrement débouche le plus souvent sur une phase de cahot puis de léthargie pouvant durer 400 ans en moyenne, mais parfois plusieurs millénaires…

Cependant, nous pouvons nous organiser pour éviter cette épreuve en anticipant le scénario qui est toujours construit sur le même principe : lorsqu’une source de prospérité apparaît, la communauté s’organise pour la faire prospérer. Elle crée des institutions qui la protègent et la développe. Mais, sur cette terre, tout évolue. Ainsi la source de prospérité s’étiole ou devient obsolète. Cependant, les institutions continuent à la protéger, empêchant l’émergence de nouvelles opportunités.

Alors, le système en place se délite. La communauté cherche un leader qui va le restaurer. Elle désigne celui qui fait les promesses attendues. Or, il ne peut en réalité rien faire de mieux que les autres. Pris à mal dans son autorité, il se montre peu créatif et audacieux. Il se radicalise et la communauté s’effondre, c’est le chaos.

Après une période léthargique, le changement fini par se faire, essentiellement depuis la base et également depuis l’extérieur.

Mais heureusement, nous constatons actuellement une explosion de think tanks qui cherchent des solutions. Même s’ils n’en trouvent pas, ils amènent les citoyens à se préparer à devenir acteur du changement, ce qui est un signe positif.

 

Vers une nouvelle architecture relationnelle

Pour le moment, nous finissons le 20ème siècle. Les acteurs visibles sont les GAFA et leur réplique chinoise, les BATX. Marqués par l’histoire des territoires et l’époque où ils ont été conçus – entre le 19ème et le 20ème siècle -, ils ont une architecture centralisatrice et monumentale qui commence à atteindre ses limites conceptuelles, juridiques, fiscales, technologies… etc.

Cependant, souvenons-nous que si l’Afrique est reconnue comme le berceau de l’humanité, l’Europe est perçue comme le berceau de la démocratie et de l’humanisme… Il y a sur ces terres une accumulation d’expérience et de connaissance précieuse qui permettent de se forger une opinion sur notre nouvelle manière de voir le monde.

 

Comme nous l’avons vu, le modèle de société qui s’impose est de forme organique.

Pour comprendre ce qu’est le mode organique, il suffit de regarder le corps humain : aucun organe ne gouverne tous les autres, mais si l’un d’eux vient à défaillir, les autres se mobilisent par faciliter sa réparation.

Lorsque notre corps fonctionne bien notre entourage en profite et si notre entourage se porte bien, nous pouvons développer de la prospérité…

Ceci illustre le fait que les organisations organiques ont, en quelque sorte, un fonctionnement fractal.

 

Ce modèle de société nécessite un système d’information doté d’une architecture organique. Ceci est une bonne nouvelle pour l’Europe qui est le berceau du peer to peer et de l’Open source ou encore de Sigfox et des objets connectés.

 

Le moteur du changement

Outre l’évolution du climat, la géopolitique est à la manœuvre dans cette bascule sociétale. Après une mondialisation exubérante, les blocs géopolitiques regardent de plus près les mécanismes de l’« efficacité globale » : fini les schémas simplistes qui ne considèrent qu’un seul point de vue.

Par exemple, le seul critère de profitabilité, centré sur le court terme, devient difficile à défendre parce qu’il présente des risques dénoncés par les lanceurs d’alerte qui se répercutent dans le public.

Ceci est valable pour les activités extractives, agricoles, mais aussi pour les activités immatérielles. Par exemple, le patrimoine culturel, mais aussi foncier ne peut être vendu inconsidérément. Les équilibres internationaux vont peu à peu se faire selon une logique organique et non plus strictement conquérante.

Un exemple : le trafic de laits au niveau mondial. Il peut sembler intéressant pour quelques multinationales de concentrer cette industrie. Mais les effets environnementaux d’une production intensive ici, détruisant les capacités de production là-bas débouchent sur des absurdités sanitaires, sociales, environnementales et économiques.

C’est dans ce contexte que les « circuits courts » gagent leur lettre de noblesse, favorisant l’idée du « retour au local », pourtant impensable aux grandes heures de la mondialisation du 20ème siècle.

 

La reconfiguration du tissu socio-économique

La fin de la mondialisation, telle que nous l’avons conçue au 20ème siècle, nous amène d’ailleurs à relocaliser nos activités productives.

Cela se fait non pas avec l’idée de recréer les emplois perdus, mais simplement en combinant 3 idées de ce début de siècle : l’économie circulaire, les robots et les big data. Le but : produire au plus près du consommateur et au bon moment la juste quantité au moindre coût, de manière à être plus low cost que le plus low cost des pays low cost !

 

Si le 20ème siècle a été le temps des mastodontes capitalistiques, la recomposition du tissu entrepreneurial se fait en développant un réseau de petits acteurs liés entre eux par des partenariats astucieux qui parviennent à déstabiliser les géants de l’économie actuelle. Le but recherché est de disposer d’un tissu entrepreneurial réactif et robuste, ce qu’une économie organisée autour de quelques géants ne sait pas faire.

Cela se fait à travers le développement du microcapital : c’est-à-dire la mise en interaction de moyens et de savoirs. Cela devient possible grâce à la miniaturisation des outils, aux plateformes de mise en relation d’individus et aux investissements partagés.

Une illustration du microcapitalisme est AirB & B qui, sans posséder la moindre chambre de bonne parvient à déstabiliser les acteurs de l’hôtellerie. Je précise que cette composante de notre nouveau vivre ensemble en est encore à l’âge de pierre, tant vis-à-vis du public que de nos institutions.

 

La reconfiguration des territoires

Ce tissu d’entreprises fait coopérer, bien souvent à distance, une grande variété de talents et savoirs, mais nécessite assez peu de main-d’œuvre locale. Dès lors, la notion de lieu de travail s’efface devant le besoin de mobilité.

 

L’habitat devient tout à la fois un lieu intime, un lieu de travail et un lieu de partage. Il nous faut désormais des habitats et des territoires adaptés aux nouveaux codes sociaux.

  • Les métropoles deviennent des lieux de rencontre physiques le jour et des dortoirs cosy la nuit (Air B & B l’a bien compris). Ce sont des plaques tournantes internationales et interrégionales de business, de savoirs et de créativité. Elles sont attractives, connectées et intelligentes et conçues pour mettre en valeur la richesse créée sur le reste du territoire.
  • Les villes de taille moyenne deviennent des lieux d’enracinement des savoirs et de développement des talents. La qualité des relations interpersonnelles constitue une richesse fortement protégée par la communauté, puisque la compétitivité des nations va se jouer sur leur capacité à attirer des savoirs et des talents et à les faire prospérer dans une logique d’enracinement.

Elles sont également des lieux d’expérimentation et de développement de l’économie de l’immatériel.

  • Les zones plus rurales, attractives pour leurs circuits courts agricoles, deviennent des lieux de production de biens et d’expérimentation industrielle anciennement manufacturière.

Elles sont aussi des lieux de calme, propices à certains travaux de réflexion et au repos.

Nous n’avons pas seulement besoin de ville intelligente, mais aussi des campagnes connectées et richement équipées d’objets intelligents, car nous devenons multiples, y compris dans notre manière d’utiliser le territoire !

 

Pour ce qui concerne plus particulièrement la France, la réhabilitation de son patrimoine foncier devient une manière de redynamiser sa robustesse environnementale et culturelle, dont les fondements demeurent : notre capacité de suffisance alimentaire, nos saisons, notre variété géologique, notre histoire… etc.

Prenons soin de la diversité de nos territoires. Ainsi, les éventuels immigrants ne seront plus perçus comme des barbares, mais un enrichissement potentiel de cette diversité.

 

Qu’il s’agisse de rénovation ou création immobilière, en zone urbaine ou non urbaine, nous allons imaginer nos lieux de vie en étant plus exigeant que le baron Hausmann. En effet, s’il avait été, à juste titre, soucieux de favoriser la mixité sociale, nous allons, en plus, favoriser la mixité générationnelle, parce que nous allons gérer autrement les temps de la vie.

 

La vraie vie se déroule en 6 étapes : je nais, j’apprends, je fais, j’innove, je transmets et je me rends utile. L’ère industrielle n’en reconnaît que 3 et n’en récompense véritablement qu’une seule.

Nous prenons conscience que c’est le cycle complet qui permet l’efficacité « globale » d’une communauté et qui lui assure des progrès constants. Nous allons donc apprendre à encourager et donc récompenser aussi les activités dites « contributives » qui pour le moment sont laissée au bénévolat et au volontariat.

 

 

Le sens de l’Histoire

Le basculement sociétal que nous venons d’évoquer va dans le sens inverse de la standardisation, du gigantisme et du court termisme.

Il va dans le sens de l’optimisation des ressources et l’attractivité obtenue grâce à un cadre de vie et de travail diversifié et donc favorable à notre évolution.

Je vous remercie.