La croissance est devenue fantomatique

La solvabilité des états est évaluée sur la croissance de leur PIB. Or, comme l’indique Raphaël Rossello avec insistance, à présent en Occident, pour assurer 3 % de croissance, il faut créer 6 % de dette. La Chine n’échapperait pas à cette absurdité. Alors, la question de la dette fait voler en éclat l’équilibre financier bâti à travers la mondialisation.

Cette même finance a les yeux rivés sur le rendement des entreprises dans lesquelles elle investit, ce qui amène à des mascarades qui rend la gouvernance des entreprises et des états impossibles.

Comme il le souligne aussi, les périodes de changement de modèle économiques créent des opportunités d’enrichissement pour quelques minorités, mais rependent la pauvreté partout ailleurs. Dans le cas présent, la taille du gâteau stagne tandis que les liquidités croissent et sont réparties inégalement dans la population. Cela créer une situation de fragilité sourdement ressentie et fait la part belle au populisme et à de la violence destructrice.

Sa proposition consiste à réduire la voilure en ralentissant l’économie, le temps qu’elle résorbe les dettes.

 

Comment en est-on arrivé là ?

Son constat repose sur des travaux de recherche d’informations qui ont le mérite d’éclairer le problème avec des chiffres.

Mais avec le bon sens, nous connaissons le problème depuis plus des 50 ans : après la dernière guerre mondiale, nous avons développé avec enthousiasme « l’économie de la demande » face à un public qui manquait de tout, puis qui a eu envie de profiter de tous les progrès réalisés dans le sillage des trente glorieuses.

Cela fait plus de 30 ans que l’occident est passé à « l’économie de l’offre », celle qui impose d’innover sans cesse pour créer artificiellement de la demande. À présent, les consommateurs occidentaux ne répondent plus aux stimuli de l’innovation. Leurs placards, leurs garages et leurs frigos sont pleins. Ils commencent même à culpabiliser en prenant l’avion ou en changeant sans cesse de smartphone.

De plus les usines produisent sans eux. Ils doivent aller travailler ailleurs que dans les usines : 80 % des travailleurs américains sont dans le service, c’est-à-dire des activités à faible rendement financier, ce qui donne des jobs mal rémunérés. Les états sont pris en étau : ils taxent ces travailleurs mal rémunérés et dépendent de leurs propres bailleurs de fonds dans leurs prises de décisions. La mission de service public devient laborieuse et même déficiente, faut de moyens et de perspectives.

 

Le nœud du problème part de la reconnaissance de richesse créée (taille du gâteau) car la création de richesse se diversifie dans des domaines qui sortent du périmètre des activités marchandes.

L’angoisse suscitée par l’évolution du climat, la disparition de certaines espèces ou encore de la gestion des déchets permet au plus grand nombre de redécouvrir la notion de bien commun qui était pourtant fondamentale pour les civilisations primitives, car elles étaient en prise directe avec la nature. Elles étaient gouvernées par les grands prêtres qui avaient à cœur de faire respecter l’éthique et la morale.

Avec la sédentarisation, l’agriculture est certes pensée pour respecter la nature, mais la terre est devenue importante. Le roi, dont la vocation est de protéger la terre et éventuellement de l’étendre, partage, bon gré - malgré, le pouvoir avec le grand prêtre.

L’ère industrielle nait dans les hauts fourneaux (24/24) et prend ses distances avec la Gaïa et son besoin de respect.

Comme le rappelle Raphaël Rossello, au début, la puissance d’un industriel s’évaluait à la taille de ses employés. Aujourd’hui, elle s’évalue sur la taille de sa capitalisation. Or, cette capitalisation devient folle. En particulier, les grands bénéficiaires du système créent leur puissance financière autour du numérique. Mais attention ! Le numérique, c’est l’économie de l’immatériel par excellence !

Le numérique actuel est un numérique de première génération. Il n’est pas durable. Que vont devenir ces mastodontes lorsque le numérique de seconde génération va prendre le relais ? Raphaël Rossello cite Tesla à ce propos : Tesla est un constructeur automobile né dans le numérique. Il a de l’avance en la matière, mais le tissu entrepreneurial de l’automobile se recompose et fait émerger une version numérique de seconde génération dans lequel Tesla n’a pas de position particulière.

 

Nouvelles priorités, nouvelle gouvernance, nouveaux outils

La monnaie a joué un rôle central dans l’évolution de l’Homme depuis plus 10 000 ans, pour le pire et le meilleur. À présent, c’est le numérique qui prend le relais : il permet de rendre l’Homme efficace. Grâce à lui, l’Homme peut se consacrer à ce qu’il aime vraiment : le partage, la connaissance, la spiritualité… C’est ce que l’on appelle l’économie contributive. Cette forme d’économie ne remplace pas l’économie productive, elle la complète. La prospérité passe même par la symbiose de ces deux formes d’économie.

Mais l’économie contributive ne suit pas les mêmes règles que l’économie productive. D’ailleurs, elle n’a pas la même finalité. Or, c’est elle qui devient notre nouvelle source d’abondance.

Penser à l’économie de demain, c’est penser aux nouveaux outils de gouvernance dans une civilisation qui se pose de nouvelles priorités, basée sur le respect de l’environnement au sens le plus large. C’est une civilisation qui recherche l’efficacité et l’élévation de l’Homme. Elle trouve des solutions dans le numérique, dans les sciences et dans la spiritualité.

La finance doit reprendre sa place et se montrer efficace dans ses fonctions. Les monnaies intelligentes se feront avec elle, mais pas qu’avec elle. Elle se fera avec de la démocratie économique et sociale. Le numérique est prometteur en la matière.

La réflexion opérationnelle ne sortira donc pas du comité de 26 économistes rassemblés par notre président. En cela, je suis d’accord avec Raphaël Rosselo.