De Gaule distinguait le numérique civil et le numérique militaire

Les plus anciennes d’entre nous se souviennent certainement du « plan calcul », auquel le Général de Gaule était attaché, mais qui a abouti à une lente agonie et beaucoup de sarcasmes.

À l’époque, les Américains parlaient de « machine pour traiter l’information ». Pour le général il s’agissait d’un sujet tout aussi majeur que le nucléaire. Les Français lui ont donné un nom « l’informatique ».

Sans ces machines, la dernière guerre mondiale n’aurait pas eu la même physionomie : pas de Shoah ni de débarquement. Car ces machines n’ont pas servi qu’à décrypter les messages de l’ennemi (machine énigma). Un constructeur, encore inconnu du public, IBM, s’est montré très efficace avec ses calculatrices mécanographiques, dérivées des machines à tisser des étoffes complexes.

À la fin de la guerre, les Américains ont fait de l’Europe un protectorat où écouler les surplus de leurs usines plus modernes et donc plus efficaces que celles du « vieux continent ». Notamment, les banques et les entreprises se sont équipées de machines IBM et de souscrire un contrat de maintenance diligenté par des « inspecteurs » qui avaient la clef des salles machines… D’ailleurs, les carrières des informaticiens étaient suivies discrètement pas « big blue » et le conseil d’administration du syndicat des SSII était piloté par les constructeurs et éditeurs de logiciels américains.

Pour IBM, la démonstration était faite qu’il était désormais possible de conquérir le monde sans verser une goutte de sang (ou presque), uniquement en captant et malaxant les données sécrétées par la vie individuelle, sociale et économique des Hommes !

Pour le général de Gaule, puisque les Américains ont IBM, alors, les Français auront Bull, une entreprise dérivée, comme l’ancêtre d’IBM, des machines dédiée au textile. Mais c’était sans compter sur la détermination des Américains à empêcher l’Europe, et la France en particulier, à maîtriser cette technologie.

 

Le numérique en tant qu’arme d’influence massive

En amont de ces technologies (matériel et logiciel), il y est nécessaire de maîtriser certaines formes de mathématiques dont les Français sont friands. Par ailleurs, au motif de s’assurer du bon usage du plan Marshall, la France et l’Europe ont été fortement encadrées dans leurs stratégies via différents canaux, dont les fonds d’investissement, les cabinets de conseil, les instruments d’influence tels que les partis politiques et les lobbyistes… Tous les moyens sont bons pour aiguiller les meilleurs chercheurs et les entrepreneurs intéressants de l’autre côté de l’Atlantique, puis de persuader les administrations et les entreprises européennes de consommer du numérique américain.

Il y a donc eu la guerre des talents mais aussi les guerres d’influence.

Les GAFAM et leur alter ego chinois sont précisément conçus pour être des armes d’influence massive, comme nous l’avons vu avec les terroristes Islamistes, mais aussi les élections biaisées en occident !

Pour la première fois, une arme devient « presque publique » et trouble l’ordre public. « Presque publique » parce qu’elle est aux mains d’intérêts officiellement privés et que ses capacités sont marchandisées entre intérêts officiellement privés. Tout se brouille !

La plupart des concepts qui constituent la base de l’Internet ont été imaginés et expérimentés en France avant d’être mondialisés. Cependant, la feuille de route qui avait été donnée aux concepteurs et aux réalisateurs de ces expérimentations n’était pas de faire une « arme d’influence massive », mais de « rendre la France efficace ». Le général de Gaule et ses équipes avaient raisonné comme pour le nucléaire en distinguant la partie civile et la partie militaire, quitte à dupliquer les équipes et les investissements.

Les Américains ont tout amalgamé ! Quelle erreur pour l’humanité…

 

Le numérique facteur de notre évolution anthropologique

Ce n’est pas le numérique qui change nos vies, c’est parce que nous évoluons que nous développons le numérique.

Dès la fin du 20ème siècle, Égard Morin a mis en relief la nécessité de faire évoluer nos modes de pensée et donc nos organisations vers une prise en compte croissante de la complexité.

Depuis, les Homme se sont familiarisés avec la notion de réseau, alors que celle-ci est omniprésente dans le fonctionnement de la nature.

Le numérique est l’innovation majeure qui nous ouvre les portes de la complexité. Elle ouvre aussi les portes de la pensée féminine qui s’oppose à la pensée masculine, plus axée sur l’efficacité : celui qui ne comprend pas ce qui le gène a une démarche brutale pour s’en libérer. Selon les valeurs féminines, face à une situation difficile, la démarche consiste d’abord à essayer de comprendre les tenants et les aboutissants des obstacles rencontrés et de ne passer à la manière forte qu’en cas d’impossibilité à les contourner.

En matière de ressources humaines, numérique est, hélas, dominé par les hommes. D’ailleurs, il est utilisé a des fins de conquête : forcer à vendre, à faire pousser, à débusquer, à rentabiliser… etc.

 

Le numérique est un amplificateur de nos intentions : il permet d’aller plus vite, plus loin, plus exhaustif. Avec lui, nous pouvons faire évoluer nos organisations, dont nos démocraties. D’ailleurs, nous commençons à délaisser les organisations hiérarchiques qui sont néfastes pour la créativité et la réactivité. Nous préférons les organisations organiques. Ceci est rendu possible avec des individus plus matures et désireux d’être responsabilisés. Ceci implique de fluidifier les échanges de données et le suivi des décisions, ce qui est le propre du numérique.

La démocratie selon Taïwan repose en partie sur la transparence en matière d’informations décisives pour la population.

Le modèle estonien repose sur la fluidité entre les organismes avec lesquels tout citoyen est en interaction.

Cette évolution permet de nous rapprocher de la véritable idée de l’économie circulaire qui cherche une qualité et une efficacité supérieure à celle obtenue dans les pays à bas coût :

« produire la juste quantité, au bon moment, au bon endroit et pour les bonnes cibles, tout en étant aussi économe que possible en ressources extractives, en énergie et en intervention humaine ».

Or, justement cette économie en intervention humaine nous impose sociale et moralement de réorienter le temps libérer dans les activités productives vers les activités contributives, c’est-à-dire celles qui concernent le bien commun.

Les images des villes syriennes détruites par la guerre nous impressionnaient, celles des villes ukrainiennes nous révoltent : comment des congénères peuvent-ils détruire aussi sauvagement du bien commun ?

Reste à inventer le processus de récompense à accorder aux tâches contributives. Les monnaies numériques vont nous ouvrir des opportunités puisqu’elles permettent de développer des « monnaies fléchées », ce qui n’a rien à voir avec les crypto monnaies actuellement en promotion, qui n’ont d’autre finalité de relayer le système monétaire mondial en cours d’effondrement. Ces crypto monnaies relayent sans traiter cette question fondamentale de l’émergence devenue indispensable de l’économie contributive.

Le numérique, facteur d’élévation de la condition humaine

Les guerres sont des crises sociétales qui détruisent pour reconstruire avec une autre vision. Elles seront toujours affreuses, mais il faut s’arranger pour qu’elles favorisent le progrès. La dernière guerre mondiale a été le coup d’envoi de l’industrie du « traitement de l’information » que nous appelons aujourd’hui le « numérique » (digital pour les anglophones).

La part du numérique dans la guerre en Ukraine est très importante, tant dans la connaissance des préparatifs ennemis que dans la manipulation des populations.

Aujourd’hui, c’est l’intelligence artificielle qui est sur la sellette. Un des débats la concernant en France porte sur les logiques formelles et les logiques floues (données discontinues – données continues). L’enjeu : sortir du numérique caricatural et hors contrôle (dont on ne comprend pas les décisions).

La France est en pointe sur les logiques floues, celles que pratiquent la nature et notre propre organisme. Gageons que cette évolution va nous permettre de réduire notre boulimie consumériste pour nous ramener vers des préoccupations et des jouissances immatérielles, car dans l’immatériel, le partage se fait via la duplication et non la captation. Le numérique permet de faire évoluer nos désirs richesses (accumulée) vers la recherche de la prospérité (partagée).

Mesdames, prenez place dans ce vaste projet encore trop masculin. Les GAFAM et les BATX vieillissent, leur conception du siècle dernier appelle un renouveau basé sur l’interopérabilité (connectable à un environnement variable) et la scalabilité (adaptable à la géométrie locale ou du moment). Le renouveau du numérique s’annonce passionnant et probablement européen (berceau de l’Open Source).

À nous de jouer !