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Le changement de civilisation

Nous changeons de civilisation. En effet, pour les historiens, les anthropologues et les futurologues, il y a changement de civilisation lorsqu’il y a concomitance entre :

  • L’appropriation d’une nouvelle forme d’énergie,
  • L’émergence de nouveaux modes de communication,
  • La remise en cause d’un ou plusieurs textes fondamentaux.

 

Cette concomitance est en cours actuellement.

  • Le texte fondamental que nous remettons en question, il se situe, selon moi, dans les premiers versets du livre de la genèse dans lequel Dieu dit à l’Homme qu’il trouvera dans la nature tout ce dont il a besoin… Mais, faute de bornes, l’Homme s’est mis à piller la nature et la nature est devenue inquiétante.

L’Homme est donc contraint de remettre en cause son modèle de société et c’est ainsi que nous glissons du « toujours plus » vers le « toujours mieux ».

 

  • Pour ce qui est de l’énergie et des modes de communication, les changements sont convergents : ils passent en mode réseau.

Et d’ailleurs, la découverte de la notion de réseau devient déterminante dans les progrès que nous réalisons.

 

Admettre la société organique

Nous prenons conscience que le modèle « organique », qui est généralisé dans la nature, devient préférable au mode hiérarchique.

L’organisation organique repose sur les synergies entre les individus et les groupes d’individus, par opposition au modèle hiérarchique, qui sépare la décision de l’action et qui écrase les talents.

 

La génération Y (25 – 35 ans actuellement) passe du mode hiérarchique au mode organique. C’est cette génération qui introduit le mot « collaboratif » à tous propos.

 

Changement de priorité individuelle et collective

C’est donc un homme nouveau qui émerge. Il a été chasseur-cueilleur, puis agriculteur, puis ouvrier, et il devient mobile, pas nomade, mobile : socialement, culturellement, professionnellement, géographiquement… etc.

Sa priorité ne consiste pas à posséder toujours plus, mais à donner du sens à sa vie.

Il est prêt à confier aux robots la production des biens et des services qui assurent son intégrité physique et physiologique, c’est-à-dire les couches basses de la pyramide de Maslow.

Le temps ainsi libéré, il le destine à la couche immédiatement supérieure, c’est-à-dire l’estime de soi. En clair, il veut s’accomplir à travers sa famille, les savoirs, l’innovation, la culture, la démocratie ou encore la spiritualité.

 

Repenser les temps de la vie

Alors, que devient la notion de travail, à partir du moment où les servitudes de la vie quotidienne s’exécutent de manière efficace à l’aide de robots ?

Cette question nous offre la possibilité de repenser les 6 temps de la vie, qui sont : je nais, j’apprends, je fais, j’innove, je transmets et enfin, je me rends utile.

L’ère industrielle ne reconnaît que 3 temps : je nais, j’apprends et je fais. Elle ne récompense vraiment qu’un seul temps : je fais.

Les 3 autres temps (j’innove, je transmets et enfin, je me rends utile) sont confiés au volontariat et au bénévolat, autrement dit, à des régimes instables puisque, sans reconnaissance, les individus y renoncent dès la première difficulté.

Alors, si réellement l’homme nouveau désire s’accomplir à chaque étape de sa vie et que la communauté en tire profit, il devient nécessaire de faire évoluer le pacte social.

 

L’adaptation des institutions

De fait, la structure même de la société poursuit sa métamorphose. Rappelez-vous, outre la famille, qui demeure le pivot de la société :

  • Avant la révolution, le pouvoir était bipolaire (église – état) et le savoir était transmis au sein des familles de façon essentiellement orale,
  • Après la révolution, l’industrie puis la finance se sont mis à prendre une part croissante du pouvoir sur la communauté et le savoir est devenu une affaire d’élite,
  • À présent, le savoir est ouvert à tous, mais surtout le monde associatif, ainsi que celui de l’innovation, deviennent fondamentaux dans la compétitivité des nations… Tant et si bien que la société redevient bipolaire :
    • L’espace productif (dédié aux besoins des personnes à court terme),
    • L’espace contributif (dédié aux besoins de la communauté à long terme).

Le passage au nouveau modèle de société va reposer sur notre capacité à récompenser aussi l’implication de nos concitoyens dans les tâches contributives.

A priori, cela semble compliqué car les tâches contributives n’ont aucune métrique : elles ne s’expriment pas en mètre, en kilos ou en durée. Par exemple, que vaut la disponibilité consacrée à sa famille, à la démocratie ou au partage du savoir : rien du tout !

 

La propriété redessinée

Notre changement de civilisation est d’une ampleur au moins aussi importante que celle qu’ont connue nos aînés lorsqu’ils se sont sédentarisés et qu’ils ont créé les notions de propriété puis de rente qui nous pose un problème.

En effet, nous appliquons ces notions aux biens immobiliers, mais aussi aux biens mobiliers et aux biens immatériels.

L’homme est assez naturellement disposé à travailler dur pour construire un patrimoine qui laissera à ses enfants. Mais il y a des limites au-delà desquelles les enfants perdent le respect de ce patrimoine et adopte des comportements asociaux, soi envers eux-mêmes, soi envers les autres.

Ce que nous pouvons observer, c’est que le système actuel favorise la concentration de pouvoir financier ce qui entrave le vivre ensemble.

 

La souveraineté du bien commun

Pour comprendre ce problème, il faut tenir compte de la communautarisation de l’économie. En effet, la compétitivité vient de l’innovation et l’innovation naît dans les activités contributives avant de devenir un projet d’entreprise.

Ensuite, pour créer une entreprise, il faut certes toujours du capital et du travail, mais il faut aussi de plus en plus du talent, du savoir, des idées et du réseau, c’est-à-dire des composantes du bien commun immatériel.

De ce fait, la notion de propriété évolue : à qui appartient véritablement une startup qui a été aidée par la communauté et qui résulte de la somme des savoirs acquis à travers les échecs antérieurs ?

 

La guerre des monnaies

Pour être créatif et réactif, le tissu entrepreneurial devient lui-même organique. En particulier, les entreprises passent en mode projet ce qui, par ailleurs, arrange les individus, puisqu’ils veulent prendre la maîtrise de leur parcours de vie.

Ce double mécanisme met à mal l’emploi, tel que nous l’avions stabilisé durant le 20ème siècle.

Le salariat n’est plus le mode privilégié pour injecter du pouvoir d’achat auprès les ménages. Alors, avec quelle monnaie et par quel canal distribuer un flux régulier de pouvoir d’achat aux ménages ?

La guerre des monnaies est liée à la guerre des talents. Mais, que devient notre monnaie dans une économie de plus en plus organique et immatérielle ? Comment harmoniser les tâches productives et les tâches contributives ? Comment équilibrer les bénéfices issus du bien commun et des biens privés ?

 

Actuellement, la création de monnaie est conditionnée par la promesse de création de richesses productives. Mais les intérêts, liés à l’emprunt qui en découle, imposent de créer toujours plus de richesses productives. Or, pour plusieurs raisons, ceci n’est plus souhaitable. De plus, la croissance n’est plus l’unique composante de notre compétitivité. L’attractivité devient également stratégique. Notre système monétaire ne répond donc plus totalement à nos besoins.

Il ne s’agit pas de faire table rase du système qui a permis à notre espace productif de prospérer. Il s’agit de l’enrichir de manière à ce qu’il soit capable de prendre en compte plusieurs formes de création de richesses.

 

La piste des monnaies complémentaires

La technologie nous permet de sortir de la représentation figée de nos monnaies. En particulier, les blockchains nous laissent entrevoir l’utilisation d’une combinaison de monnaies, dédiées chacune à une forme particulière de création de richesse, tout en étant interopérables les unes avec les autres, selon des règles connues de tous.

Ainsi, outre les monnaies productives, nous pouvons imaginer une monnaie du savoir, de l’estime, de la créativité, de la bienveillance ou encore de la démocratie… etc.

 

C’est déjà demain !

Tout ceci peut sembler bien utopique, mais des monnaies complémentaires prennent discrètement forme sous nos yeux.

Ces deux premières monnaies s’appellent CPA et CPF, mais d’autres devraient se dessiner pour encourager les bénévoles, les accompagnants, les innovateurs,… etc.

Aller vite vers ces monnaies contributives va être notre manière d’accéder aux nouvelles formes d’abondance de cette nouvelle civilisation.