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Une Opportunité pour l'Union Européenne ...

 

  1. Défi démocratique

L’« intelligence artificielle » (IA) est un concept du 20ème siècle qui s’inscrit à la jointure du développement des « machines de traitement de l’information[1] », des réseaux[2] et des mathématiques.

Sur le plan anthropologique, l’IA correspond à l’étape où l’Homme parvient à développer des robots qui le libère des tâches fastidieuses, hypercomplexes[3] ou dangereuses.

Avec la miniaturisation il crée des objets intelligents qui s’immiscent dans notre vie quotidienne pour nous aider. Dans le même temps, ces objets captent des données qui servent à gérer nos biens communs et à nous faire des recommandations personnalisées.

Ainsi, la transparence devient facile à produire et, dans le même temps, elle devient une demande des communautés. Mais la transparence nécessite un apprentissage. La difficulté consiste à trouver la manière de positionner les curseurs.

La sédentarisation de l’Homme a posé le problème (mal résolu) du curseur entre la propriété et le bien commun. L’IA pose le problème du comportement « normal » face au comportement « créatif ». Les mécanismes de la vie reposent sur une alchimie subtile, mixant le de normatif et de hasard. Nos systèmes doivent être évolutifs et accepter l’évolution.

Ceci nous place aux antipodes des cadres législatifs et réglementaires pléthoriques qui ont marqué la fin du siècle précédent. Gouverner ne consiste plus à canaliser par la contrainte, mais à favoriser l'adaptabilité et le progrès, soit un basculement culturel délicat dont l'apprentissage va être long, même s'il est déjà amorcé.

 

 

  1. Un défi social

L’IA va nous permettre de consacrer de moins en moins de temps aux tâches « productives », c’est-à-dire celles qui ont pour objet de satisfaire nos besoins primaires[4]. Ainsi, nous allons pouvoir utiliser ce temps libéré dans des tâches qui développent « l’estime de soi », c’est-à-dire celles qui nous donne le sentiment de « réussir sa vie ».

L’estime de soi n’a rien à voir avec le narcissisme. Pour y avoir accès, il faut mériter à la reconnaissance de ses congénères. Ceci s’obtient à travers des actions qui sont bénéfiques à la communauté.

Ce sont les tâches « contributives ». Elles sont centrées sur le développement du bien commun. Elles concernent la famille, les "résolutions de conflits", le savoir, l’innovation, la démocratie, la culture, la spiritualité… Autant de tâches qui sont, pour le moment « hors système » : elles sont pratiquées dans le cadre du bénévolat ou du volontariat, autrement dit un régime instable puisque les contributeurs cèdent leur place au moindre incident.

Le développement de l’IA crée donc un défi social : étant donné que la compétitivité repose de plus en plus sur la capacité à faire émerger des talents et enraciner du savoir, les nations vont devoir mettre au point le modèle sociétal qui encourage les citoyens à développer de la création de richesses contributives. En favorisant l’accès à l’estime de soi pour chaque citoyen, elles seront attractives et donc compétitives.

 

  1. Un défi monétaire

Les richesses que nous produisons dans l’espace contributif sont essentiellement immatérielles. Cette forme de richesse se bonifie lorsque l’on s’en sert, soit l’inverse des biens productifs qui s’usent ou disparaissent après usage.

Les mécanismes monétaires que nous utilisons depuis plus de 10 000 ans servent à organiser la société de manière à ce qu’elle soit efficace pour satisfaire les besoins primaires du plus grand nombre. Ce système ne récompense que les activités productives. Nous aurons toujours besoin de satisfaire ces besoins primaires, mais nous voulons en plus encourager les tâches contributives. L’IA conjuguée aux cryptomonnaies va nous permettre de complexifier de manière conviviale le système actuel.

Le défi consiste à imaginer les règles de production et de destruction des monnaies contributives et les règles de change avec les monnaies productives. Le processus est en cours dans un mouvement mondial diffus. Il est temps de le structurer, ce que commencent à faire les acteurs transnationaux et certains acteurs nationaux.

 

  1. Un défi géostratégique

Malgré ces capacités prometteuses, l’IA est perçue comme un danger. L’Homme est ainsi fait : il utilise les progrès pour aller conquérir ses voisins. En l’espèce, les grands acteurs de l’IA actuels utilisent ces technologies pour prendre le contrôle du plus grand nombre possible d’humains en les influençant. Il s’agit d’une conquête non violente mais profondément insidieuse.

L’IA est souvent associée aux neurosciences. Effectivement, les développeurs de cette forme de conquête s’appliquent à comprendre comment fonctionne le cerveau humain pour mieux agir sur lui.

Ainsi, l’IA nous pose donc un autre défi, individuel et collectif : celui de la maîtrise de nos connaissances et de notre libre arbitre individuel et collectif. Ceci nous amène à repenser la notion de collectif, mais cette fois-ci en tenant compte de notre désir d’être multicommunautaire. Voilà pourquoi nous nous appliquons à redéfinir le sens que nous donnons à la nation, au territoire à la lignée, à la corporation, à la paroisse… etc.

Le consumérisme du 20ème siècle nous a induits en erreur avec ses messages globaux et individualistes. Notre corps est une sorte d’HLM rempli de micro-organismes qui nous relient à la terre sur laquelle nous vivons. Dans le même temps, chacun de nous, à chaque étape de sa vie, a une part à jouer dans ses différentes communautés.

Les réflexions sur ce thème nous amènent à réfléchir sur des organisations fractales permettant de relier les structures d’influences et de décisions de proche en proche, allant du plus près de chacun de nous au plus global de l’humanité.

Ceci ne nous conduit pas à une "gouvernance mondiale", comme en rêvent les acteurs de la globalisation. Ceci nous conduit au contraire à une gouvernance coopérative comme le pratiquent entre elles les espèces vivantes les plus pérennes que nous connaissons.

L’IA permet de développer de nouvelles formes de gouvernances coopératives. Nous allons avoir plaisir à les expérimenter. Nous allons le faire par nécessité : les modèles hyper-centralisés actuels sont mortifères et donc voués à l’effondrement, comme s’est effondré le projet de la tour de Babel.

 

  1. Un défi industriel

Les inventions sont d’abord conçues de manière grossière puis affinées au fil du temps. Le numérique n’échappe pas à cette règle. L’architecture des GAFA (M) et des BATX est monumentale et hyper-centralisatrice. Ajouté au fait que leur finalité consiste à vouloir gouverner le monde en influençant les individus pour les ramener à des modes de pensées unifiées, cette architecture va progressivement devenir inadaptée aux aspirations des Hommes.

L’architecture qui devrait s’imposer sera modulaire et fractale. La technologie requise pour cela est singulièrement légère, d’autant que la collecte de données provient de plus en plus des objets connectés, eux-mêmes plus ou moins intelligents. Tout ceci nécessite peut d’investissement matériel et beaucoup de matière grise. Or, à présent, contrairement aux siècles précédents, la matière devient rare et la ressource humaine abondante.

Notre défi à présent consiste à préparer la phase 2 de l’ère numérique. Le challenge est particulièrement ouvert puisqu’il ne s’agit plus d’un défi financier, mais d’audace stratégique, au service d’une vision du monde qui franchit une étape dans sa maturité.

 

  1. Une opportunité pour l’Union Européen

Si l’Afrique est reconnue comme le berceau de l’humanité, l’Europe est perçue comme le berceau de la démocratie et des droits de l’Homme. Elle est aussi le berceau du P2P[5], l’Open Source[6], du réseau Sigfox et de nombreuses autres initiatives autour des objets connectés.

L’Union Européenne est un territoire qui depuis 60 ans apprend à vivre en symbiose avec ses voisins, même si de nombreux progrès restent à faire.

Ainsi tant dans son parcours culturel et politique qu’en raison de l’accumulation de connaissances dont elle bénéficie, elle est sans doute le territoire idéal pour imaginer et mettre en œuvre le système d’information coopératif dont les Hommes ont besoin, arrivés à cette étape de leur Histoire.

Elle est d'ailleurs en train de prendre de sérieuses options, par exemple à travers l'Etat Plateforme X-Road qu'elle soutient et dont les logiciels en Open Source permettent des expérimentations chez les Etats membres. En France, l'association French-Road permet de rassembler tous les acteurs qui veulent s'impliquer dans les réflexions et les expérimentations liées à cette approche.

 

Mais attention : le vrai défi n'est donc pas technologique, il est sociétal. Le changement vu de loin donne l'impression qu'il va y avoir des perdants et ces supposés perdants font tout pour freiner le processus. Soyons tous convaincus qu'on ne lutte pas contre le sens de l'Histoire, on s'y adapate. Dans le cas présent, ceci est indispensable car ce changement est mondial.

 

[1] Collecte et traitement.

[2] Circuits dotés de nœuds de commutations.

[3] Brasser énormément de données selon de nombreuses règles de gestion

[4] Ceux qui ont pour finalité d’assurer notre intégrité physique et physiologique.

[5] Le pair à pair (en anglais peer-to-peer) est un modèle de réseau informatique  où chaque ordinateur est conçu pour être à la fois client (demandeur de données) et serveur (offreur et traiteur de données).

[6] L’open source, ou « code source ouvert », s'applique aux logiciels dont la licence permettent la libre redistribution, l'accès au code source et la création de travaux dérivés. Mis à la disposition du grand public, ce code source est généralement le résultat d'une collaboration entre programmeurs.