Une transition d’une ampleur supérieure à celle de la sédentarisation

Nous entamons une phase de l’histoire de l’humanité qui impose une transition d’une ampleur supérieure à celle qu’ont vécue nos aînés lorsqu’ils se sont sédentarisés. La sédentarisation a correspondu au désir de dompter la nature pour que celle-ci serve à l’homme ce dont il a besoin pour satisfaire ses besoins primaires : se nourrir, se soigner, se loger… etc.

Aujourd’hui, grâce aux progrès réalisés, plus de 75 % d’entre nous aspirent à une forme de satisfaction d’un niveau supérieur : l’estime de soi, celle que l’on obtient en donnant du sens à sa vie.

 

Effondrement de la classe moyenne

Notre rapport à la consommation évolue : nous voulons consommer moins mais mieux. Nous sommes prêts à confier aux machines les travaux fastidieux, dangereux, hypercomplexes et nous réserver les métiers décisionnaires, relationnels et créatifs.

La ménagère qui est allée au salon des arts ménager dans les années 60 passait en moyenne 10 heures par jours dans sa cuisine. Ce salon a disparu et les ménagères ne passent même pas une heure par jour dans leurs cuisines. Dans ce même courant de progrès, nous passons de moins en moins de temps dans nos usines qui pourtant deviennent de plus en plus efficaces et fiables.

De ce fait, pour la première fois depuis la sédentarisation, la classe moyenne est de moins en moins employée à produire des biens et des services : seules les tâches à très haute et à très basse valeur ajoutée demeurent dans le monde du travail tel que nous l’avons compris jusqu’à présent.

Ceci touche le secteur public comme le secteur privé.

 

Émergence d’une nouvelle abondance

Or, opportunément, les générations montantes veulent faire autre chose que produire et consommer en boucle. Il est d’ailleurs nécessaire de les y encourager. En effet, elles veulent consacrer du temps :

  • Aux activités empathiques, c’est-à-dire celles qui sont dédiées aux résolutions de conflits de toutes natures (sanitaires, sociaux, économique, environnementaux…),
  • Aux activités contributives, c’est-à-dire celle qui ont pour objet de satisfaire les besoins de la communauté à moyen et long terme, c’est-à-dire le temps alloué à la famille, aux savoirs, à l’innovation, à la démocratie ou encore à la spiritualité.

Ces tâches sont de nature à élever notre niveau de qualité de vie. La matière première nécessaire pour cette forme de richesse existe en abondance dans nos sociétés : empathie, créativité, savoirs, audace… etc. Elle se développe en dehors de la mondialisation. Elle est même capable de redessiner la forme actuelle de mondialisation qui n’a pas fait ses preuves en matière d’humanisme.

Actuellement, les tâches empathiques et contributives ne sont pas correctement prises en compte : elles sont dévolues au bénévolat ou au volontariat. L’absence de gratification par la communauté rend ces activités instables. Seuls les subventions et les dons permettent de leur donner un socle. Cependant, ce socle ne peut que rester modeste dans la logique de la finance actuelle qui est uniquement conçue pour les activités productives.

 

Nouvelle forme de compétitivité

Pourtant, les activités contributives et empathiques deviennent un vecteur majeur de la compétitivité des blocs géopolitiques.

En effet, chaque continent se met à produire ses biens et ses services. Avec l’économie circulaire naissante, il réduit progressivement ses besoins en matière première. Les échanges entre les blocs se recentrent donc sur les produits d’exception, ceux qui nécessitent du talent et du savoir.

Les nations qui savent se rendre attractives sont celles qui sont capables d’enraciner les savoirs sur leur sol et faire éclore des talents et d’en attirer. C’est pourquoi, donner de la vigueur au système empathique et contributif devient un vecteur de compétitivité majeur.

 

Tant le président que les gilets jaunes devraient travailler sur cette question : Comment faire évoluer notre système socio-économique pour qu’il permette de passer des tâches productives aux tâches contributives et empathiques ?

 

Innovation sociale et financière

Nouvelles priorités collectives

Le système actuel qui prend pour postulat la course effrénée du "toujours plus" touche a ses limites parce qu’il favorise la concentration et l’uniformisation de tout. La concentration et plus encore l’uniformisation sont mortifères.

Les progrès qui restent à faire sont identifiés et celui qui tenterait de les ralentir sera disqualifié à terme.

  • Certes, il y a le réchauffement climatique. Ce thème sérieux est intimement lié à d’autres problèmes, à commencer par celui de la démographie mondiale. Nous dévorons notre planète parce que nous sommes trop nombreux. Ce problème peut se résoudre de plusieurs manières, la plus efficace étant l’élévation du niveau d’éducation.
  • Certes, il y a la transition industrielle, dont nous connaissons la réponse : utiliser les big data, les robots et l’économie circulaire pour produire au plus près du consommateur la juste quantité au bon moment… et ainsi prendre du recul sur les déplacements incessants de personnes et de fret.
  • Certes il y a la transition énergétique que nous commençons à prendre sérieusement en compte en se réappropriant notre capacité d’innovation…

Mais, ici en France, le pays des droits de l’Homme, la question prioritaire est le pacte social.

L’actuel a été conçu au lendemain de la dernière guerre, dans le prolongement du modèle capitaliste antérieur. Il demeure néanmoins un modèle de solidarité collective. Cependant, la donne change radicalement.

Si au 20ème siècle, le challenge a été de faire émerger des grandes entreprises capables d’aller à la conquête du monde, à présent, le challenge consiste à se doter d’un tissu entrepreneurial créatif et réactif.

 

Vers un nouveau pacte social

En termes de pacte social, cela signifie qu’il n’est plus nécessaire de privilégier la stabilité des carrières, mais au contraire d’encourager la mobilité : source de pollinisation des savoirs et moteur de la créativité.

Par ailleurs, face à l’effondrement du « travail » en tant qu’ancien moteur social, il devient nécessaire d’encourager la contribution au bien commun.

Le bien commun est une notion fractale : il concerne le local, au plus près de chacun de nous et s’étend de proche en proche au niveau de notre zone géopolitique. Cette notion est nouvelle pour nous, mais devient incontournable.

 

Vers une nouvelle idée de la monnaie et du revenu

Les biens issus du système productif ont un comportement radicalement opposé à ceux du système contributifs. Les premiers s’usent quand on s’en sert. Les autres se bonifient dans le partage.

La monnaie que nous utilisons depuis plus de 10 000 ans est fondamentalement conçue pour faire fonctionner l’économie productive. Or, nous sommes tous, tour à tour, des consommateurs et des producteurs de biens et de services issus du système productif, mais aussi du système contributif. Des monnaies, dites complémentaires (à ne pas confondre avec les monnaies locales) sont actuellement ébauchées pour faire tourner le système contributif.

Les chryptomonnaies deviennent des monnaies intelligentes, ouvrant la porte à l’innovation en matière d’instruments d’échanges. Ces monnaies permettent aux zones économiques de dynamiser leur système contributif et de l’orienter vers les investissements immatériels nécessaires aux transitions.

Lors de la dernière élection présidentielle, il a été évoqué le revenu universel qui est la manière la plus efficace et juste de partager la richesse due aux progrès de nos aînés.

Une combinaison des monnaies complémentaire et du revenu universel devient une piste crédible encore mal explorée en France et en Europe alors qu’elles sont en expérimentation en différents points du globe.

Voici un vaste espace d’audace et de créativité à débattre plutôt que d’offrir aux petits casseurs des opportunités de fabriquer du désespoir.

 

La solidarité face aux stress des mutations

Face à l’ampleur de la mutation que nous vivons, il est inutile de croire que nous pouvons continuer à rafistoler nos institutions. Mieux vaut les aider à faire émerger leur propre renouveau fonctionnel en tentant des innovations tant sur le plan technologique que financier et social.

Ce que nous faisons aujourd’hui concerne nos enfants et nos petits-enfants. Reste à se mettre d’accord sur les sacrifices que nous acceptons de faire pour eux et comment nous partageons cette charge.