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Qu’est-ce qui bug dans cette proposition ?

Les bénéficiaires des prestations sociales liées aux revenus insuffisants ont pour but de résoudre au quotidien l’équation douloureuse du budget trop court, mais aussi lutter contre l’isolement. Impliquer les bénéficiaires dans des tâches qui améliorent le bien commun est une manière de réduire cette seconde peine, puisque ces tâches les sortent de l’isolement.

Cependant, il semble difficile de leur permettre de développer de l’estime de soi à travers des tâches qualifiées « d’intérêt général », qui sont pointées comme marquées par une subordination pesante.

Les tâches d’intérêt général figurent dans les attributions des institutions. Elles sont donc financées par les impôts. Cela revient à créer de la main-d’œuvre à bas coût et toute la dérive qui en découle. Chaque fois que l’homme méprise un congénère, l’histoire se termine mal à moyen terme.

L’idée qui se dégage de cette proposition n’est pas donc pas porteuse d’avenir. Or, aujourd’hui, malgré nos amortisseurs sociaux, chacun sait qu’il est possible de basculer dans l’extrême pauvreté et, dans le même temps, la logique financière dans laquelle nous sommes engagées entrave le financement des prestations dédiées à la collectivité.

Il faut donc aborder le problème autrement.

Les bons chiffres du chômage ?

Cette interrogation arrive à un moment où le gouvernement se réjouit de la baisse du chômage, même si la France n’a pas de quoi pavoiser… En France comme ailleurs, la baisse du chômage s’accompagne de la baisse du salaire moyen.

La population se paupérise, s’affaiblit psychologiquement et développe des infections longue durée. Sans grand projet porteur, le pays se recroqueville alors que dans le reste du monde les supposés « géants » fourbissent leurs armes de toutes sortes : militaires, numériques, diplomatiques, et économiques.

 

Le sens de l’histoire : drames et opportunités

Le changement sociétal que nous vivons est motivé par la crainte de voir notre planète gravement endommagée. C’est ainsi qu’un grand élan culturel et technologique nous amène à repenser notre manière de produire et de consommer.

Nous commençons à voir notre tissu entrepreneurial se recomposer autour d’une philosophie radicalement différente de celle du 20ème siècle. Cette philosophie consiste à combiner l’économie circulaire et de la fonctionnalité, les big data et la robotisation, de manière à produire au plus près du consommateur la juste quantité, au bon moment, tout en étant aussi économe que possible en ressources extractives, en énergie et en ressources humaines.

L’économie en ressources humaines est une idée défavorable en termes de chômage. Les études montrent et les chiffres confirment que pour la première fois depuis la sédentarisation, la classe moyenne s’effondre puisque ce nouveau modèle ne reconnaît que les métiers à très haute valeur ajoutée et ceux à très faible valeur ajoutée.

La classe moyenne est pourtant le socle d’une société. Même les hyperriches ne peuvent pas vivre sans elle. Nous sommes donc tous concernés par la nécessité de revoir notre pacte social !

Nous ne pouvons échapper à cette mutation : on ne lutte pas contre le progrès et de toute façon, produire dans les pays low cost pose toutes sortes de problèmes, cela ne peut durer éternellement. Mais surtout, cela devient nécessaire en raison de l’évolution des aspirations des générations montantes.

Le consumérisme a permis au plus grand nombre de satisfaire ses besoins primaires, souvent de delà du nécessaire. Mais à présent, les générations montantes découvrent que l’estime de soi apporte des satisfactions plus durables que le consumérisme.

L’estime de soi s’obtient en faisant du bien autour de soi de manière à recevoir de la gratitude en retour. Le nouveau modèle de société que nous allons développer va intégrer cette nouvelle exigence et même en tirer partie puisqu’elle améliore le bien commun !

Ils ne deviennent pas réductionnistes pour autant. Ils veulent seulement consommer moins mais mieux. Ils préfèrent le « local » aux standards internationaux… Quitte à déménager lorsque le « local » ne leur permet pas d’accomplir leurs rêves. C’est ainsi que les nations entrent en compétitivité sociale !

Le numérique permet à l’homme de se libérer des tâches dangereuses, dégradantes, ennuyeuses, hypercomplexes. Le temps gagné, il le réinvestit dans des tâches créatives, décisionnaires, ou encore managériales. Toutes ces tâches vont être la source de compétitivité des nations, puisque celles-ci vont échanger de moins en moins de matières premières et seulement des biens et des services d’exception.

Elles nécessitent du talent et du savoir. Le talent et le savoir se cultive dans un terreau socio-économique de haut niveau : celui où chacun peut, au gré de son parcours de vie, consacrer du temps à sa famille, le partage du savoir, l’innovation, la démocratie ou encore la spiritualité…. Ce sont les tâches dites contributives[1] auxquelles il faut ajouter les tâches empathiques[2] dédiées aux résolutions de conflits. Il devient donc nécessaire de se doter d’outils sociaux qui encouragent les citoyens à mixer leurs activités entre les tâches productives[3] et les tâches contributives, puisque, ces réservés pour le moment au volontariat et au bénévolat, c’est-à-dire sans reconnaissance de la richesse créée deviennent stratégiques pour la compétitivité de la communauté.

Ces tâches ne sont actuellement pas prises en compte dans notre système économique et donc dans notre système social parce que, jusqu’à présent, la priorité était de satisfaire les besoins primaires du plus grand nombre. Nous avons un système qui ne s’intéresse qu’à la création de richesse productive et qui méconnaît la richesse contributive et qui limite les tâches empathiques.

 

Réorienter l’activité des Hommes vers le bien commun

En admettant cette évolution, l’idée qui s’impose consiste donc à compléter le système actuel de manière à ce qu’il soit capable de réorienter les activités de citoyens, libérées par les progrès de toutes sortes (numérique, chimie, logistique…) vers ces nouvelles formes de création de richesse.

Car tout adulte à un moment de sa trajectoire de vie est en mesure de produire de la richesse, mais pas forcément de la richesse productive. Réciproquement, il consomme des biens et des services issus de l’économie productive, mais également des biens immatériels résultant de l’économie contributive et de l’économie empathique.

L’économie productive gère la rareté matérielle et énergétique. Elle est pensée pour des biens et des services qui s’usent à l’usage. Les deux autres économies gèrent l’abondance d’estime de soi et produisent des richesses qui se bonifient à l’usage[4].

Voilà le cœur du problème posé par les activités productives :

  • Les activités productives sont soumises aux lois du capitalisme (actuel) alors que les autres tâches suivent des comportements économiques peu compatibles avec la notion de profit immédiat et attribuable à des personnes identifiées.
  • L’activité productive pose des problèmes écologiques (au sens large) alors que les activités contributives et empathiques tendent à les résoudre.

 

Quid du revenu universel avec cette approche ?

Le revenu universel consiste à donner à chacun de quoi assurer un minimum de subsistance et ainsi de faire tourner l’économie en évitant le coût de la pauvreté et en évitant la machinerie technocratique censée distribuer les aides. Mais, les simulations les plus sérieuses montrent que le revenu universel est insuffisant pour remplir ses promesses de liberté auprès des citoyens.

La question est posée à un moment où nous abordons des mutations profondes :

  • La mondialisation que nous terminons montre que la vie est d’abord locale avant d’être extraterritoriale et donc gouvernable à des milliers de Km.
  • De nouvelles formes de gouvernance s’imposent avec la prise de conscience des faiblesses des organisations pyramidales qui :
  • Écrasent les talents, ce qui est mauvais pour la créativité,
  • Éloignent la prise de décision de l’action, ce qui est mauvais pour la réactivité.

 

Peu à peu, les organisations organiques et fractales se mettent en place. Elles ont besoin de l’engagement des acteurs locaux et également de distinguer ceux qui œuvrent pour la satisfaction de besoins primaires et ceux qui œuvrent pour le bien commun. Elles ont donc besoin de nouveaux moyens d’échange pour distinguer les actions qui dynamisent l’activité locale et celle qui profite aux économies plus éloignées.

 

Nécessité de « biodiversifier » le système monétaire

Nous avons donc besoin d’instruments de paiement intelligents qui reconnaissent la diversité des échanges sociaux économiques et encouragent des comportements vertueux.

C’est dans cette optique qu’il est souhaitable d’évoluer vers de la diversité des monnaies. Ceci devient possible avec les monnaies numériques qui sont, de surcroît intelligentes : il devient possible de les dédiées à des types d’échanges, de la rendre fongibles ou au contraire patientes, de les rendre interopérables sous condition… etc.

Ainsi, il ne s’agit pas de renier le système monétaire actuel, mais de l’enrichir pour finalement le rendre plus résilient et socialement plus subtil. Le revenu universel doit donc être versé pour une part en monnaie productive et pour une autre part en monnaie contributive et empathique. De même, les rémunérations doivent être versées avec les devises qui correspondent à la nature de la contribution produite.

La biodiversité monétaire apporte la résilience, comme nous l’avons vu par le passé ou comme le montre le Suisses avec le WIR.

Le revenu de base versé en différentes devises devient un instrument de redistribution évolutif. Les différentes monnaies intelligentes peuvent conçues pour être interopérables et surtout un vecteur de collecté de taxes, ce qui donne un système fiscal également évolution et compréhensible par tous (pollueur – payeur, donateur – bénéficiaire… etc.).

Ce vaste chantier passionnant gagne à être engagé en exploitant la période jubilatoire en termes d’ouverture d’esprit pour mettre sur la table des sujets tabous tels que les données (bien public / bien intime) et les instruments d’échange (monnaies et toutes les autres formes de tickets qui commencent à fleurir…).

 

Finalement heureux de contribuer au bien commun

Ainsi, il est possible et même souhaitable de développer une manière de rémunérer les tâches « d’intérêt général » à condition de ne plus les appeler ainsi (tâches contributives et tâches empathiques). Cela passe par une adaptation du pacte social une évolution du système monétaire.

 

 

[1] Celles qui développent le bien commun sur le long terme.

[2] Celles qui fiabilisent le vivre ensemble en traitant les crises (sanitaires, sociales, économique, politiques …).

[3] Celles qui satisfont les besoins à court terme des individus et des  communautés.

[4] Si le partage un savoir, j’enrichis les autres et les autres, à travers leurs réactions, me donnent des éléments de connaissance en plus ou de nouvelles idées …