symposium_big_data_casablanca_19.jpg
 

Les années folles de la data

À partir des années 70, en plus d’être une affaire de machine, de données et de programmes, l’informatique devient aussi une affaire de réseau de données. À partir des années 2000, on ne parle plus d’informatique, mais de numérique. Puis, les « clouds » (nuages – de stockage de données) apparaissent et l’improbable se produit : les hommes acceptent de laisser partir leurs données dans les nuages.

Leurs données sont confiées à des prestataires qui sont incapables de dire où sont localisées les données, souvent intimes, de leurs clients ou de leurs usagers ! Que s’est-il donc passé ?

Nous sommes devenus boulimiques de données et nous nous dotons des équipements qui permettent de le faire. La croissance de la donnée stockée au niveau mondial devient compulsive… Ce ne sont pas les vendeurs de prestations cloud qui vont nous dire de nous calmer.

Alors, tout naturellement, le numérique devient un secteur énergivore : actuellement près de 10 % de la consommation mondiale à cela, il faut ajouter les pollutions liées à la fabrication et à la destruction des machines que nous remplaçons sans cesse suite à l’inflation de nos données, de nos logiciels et des performances des réseaux.

Mais au-delà de cet aspect environnemental, il y a la confiance qui pèse sur les acteurs du numérique.

 

Ce sacrifice environnemental et sécuritaire est-il justifié ?

Dans la nature, les êtres vivants, particulièrement les hommes, utilisent de l’intelligence pour réaliser des tâches toujours plus complexes et ils utilisent du stockage de données pour accumuler de l’expérience de manière à pouvoir la mettre à profit quand les circonstances l’exigent. La nature ne possède pas pour autant des fermes de données ni de supercalculateurs. En revanche, toutes ses ressources sont maillées comme le montre par exemple l’organisation des forêts. Le maillage est la base des systèmes résilients et évolutifs.

Pour vivre et évoluer, nous avons des capteurs (dont les 5 sens) et nous avons des gènes. Nous disposons également d’un système homéostasique qui évalue en permanence la nécessité où pas d’évoluer. Evoluer, implique de sortir de sa zone de confort et même éventuellement se mettre en danger.

La décision d’accepter un changement n’est donc pas prise à la légère. Si une telle décision est prise, notre organisme tente une vicariance, c’est-à-dire une adaptation. Si, cette adaptation s’avère appropriée dans la durée, il y a alors un processus de simplexité qui s’enclenche de manière à optimiser notre organisme.

Ainsi, dans la nature, la notion de système est une affaire de long terme, entourée de prudence puisqu’il s’agit de préserver la vie tout en l’adaptant au monde qui change en permanence.

 

Des data mieux gérées et mieux partagées

Ce n’est pas parce que nous savons stocker des quantités pléthoriques de données que nous devons le faire. D’ailleurs, cette surabondance peut s’avérer trompeuse : les données que nous stockons nous parlent du passé. Gouverner via ces données, c’est un peu conduire avec les rétroviseurs !

Les juges savent bien que les hommes précèdent la loi, ce qui rend leur travail délicat.

 

Les big data sont désormais associées à l’intelligence artificielle, c’est-à-dire la capacité à extraire des archives des constats pour être prédictif et donc préventif. Au début des années 2000, un certain enthousiasme à conduit quelques municipalités à anticiper les actes délinquants. Mais elles ont renoncé, ayant pris conscience que le système accentuait leurs propres craintes.

Une société où la protection via l’accumulation de données est perçue comme une société où nous sommes tous sous surveillance. Ceci crée de la tension, ce qui est défavorable à la sérénité, or la sérénité est nécessaire à la qualité du vivre ensemble. Et la qualité du vivre ensemble devient un facteur de compétitivité pour les nations qui ont compris la nécessité de retenir les savoirs et les talents sur leur territoire.

 

Les GAFAM, qui ne cessent de nous profiler, nous enferment dans ce qu’elles pensent être nos préférences. Or, la vie c’est tout le contraire, c’est la diversité. C’est à force de croiser les personnalités différentes et des situations variées que notre capital d’expériences prospère.

Cette manière normative de faire du big data n’est donc qu’une étape dans notre évolution.

En effet, nous avons besoin de données et de capacités de traitement parce que nous acceptons désormais que le monde est complexe et qu’en le respectant, nous obtenons de meilleurs résultats qu’en cherchant à le dominer.

Nous nous tournons donc vers d’autres approches plus circonstanciées et plus efficaces. C’est par exemple la force du système estonien qui s’astreint à ne demander qu’une seule fois aux citoyens leurs données invariantes. Au-delà de l’aspect convivial, ce choix correspond à une architecture très respectueuse de l’environnement et du respect des données personnelles. Cette performance est obtenue grâce à l’unicité des données stockées et à la transparence des accès qui y sont faits.

Nous entrons clairement dans une nouvelle ère du numérique qui tourne le dos aux systèmes hypercentralisés pour aller vers des architectures maillées et donc plus robustes et en même temps plus résilientes.

Nous pouvons le faire dès à présent sans renoncer la richesse des données que commencent à nous délivrer les objets connectés de nos villes intelligentes et de nos systèmes de toute nature : santé, éducation, justice, finance, commerce, logistique… La règle : la transparence ! Chacun peut savoir dans quel pannel il contribue qui a unitairement accédé à ses données personnelles.

Ces nouvelles architectures favorisent le croisement de ces données de manière circonstanciées (on sait qui croise quoi avec quoi et à quelles fins), ce qui est bon pour aller vers des systèmes informationnels ouverts et donc capables de favoriser l’évolution dans un climat de confiance qui favorise une saine homéostasie collective.

La recomposition du tissu entrepreneurial mondial et l’évolution des modes de gouvernance passe par la maîtrise des big data. Cela se fait en Europe et en Afrique avec une approche en pleine mutation qui se fait l’écho de la mutation sociétale que nous abordons, comme nous allons l’évoquer le 25/3/19 prochain au symposium de la dématérialisation à Casablanca.