[Progrès] versus [innovation]

C’est Étienne Klein qui ouvre le bal des idées fortes en nous rappelant que le mot « innover » a remplacé le mot « progrès » à l’issue de la dernière guerre mondiale.

Le progrès dominait le 19ème siècle : il était la mère de toutes les espérances et le carburant de tous les sacrifices. Mais il est devenu le symbole de l’exploitation de l’Homme par la machine. Alors, le mot « innovation » a été introduit. Mais ce changement n’est pas neutre.

Innovation introduit l’idée de remplacement alors que progrès introduit l’idée d’évolution.

Innover c’est remplacer sans tenir compte de ce qu’il y avait avant. La nature n’innove pas, elle progresse.

  • Les États Unis qui ont effectivement innové sur les terres qu’ils ont conquises.
  • L’Europe est historiquement une terre de progrès et doit le redevenir : elle grandit en continuité avec son histoire sa géographie qui est basée sur la diversité et l’émulation.

Les États Unis, la Chine et chaque autre zone géopolitique font de même, chacun écrit son histoire sur la base de ses références.

À l’heure où le capitalisme, mal encadré, menace de nous faire basculer dans le chaos climatique, mais aussi géopolitique et plus concrètement matériel, il est important d’avoir cette notion en tête : le modèle de société que nous devons concevoir doit se mettre en place en mode progrès et non en mode innovation.

D’ailleurs, notre logobiote[1] ne sait pas faire mieux : il faut quelques générations pour faire évoluer notre narratif !

L’idée d’une gouvernance mondiale n’est pas souhaitable et d’ailleurs pas réaliste. Les multinationales en ont peut-être rêvé aux siècles précédents, mais nous savons à présent que ce n’est pas la bonne voie.

 

Du quantitatif au qualitatif

Produire la juste quantité au bon moment pour les bonnes cibles en état aussi économe que possible en énergie, en matière extractive et en ressources humaines devient la volonté des générations montantes, mais ce n’est pas tout : elles veulent développer le bien commun et particulièrement le bien commun immatériel dont tel que la démocratie.

Le temps libéré par les progrès organisationnels et technologiques doit être réinvesti dans des occupations dédiées à l’amélioration du vivre ensemble.

Par ailleurs, les entreprises doivent dépasser le strict critère de profitabilité. Elles doivent pouvoir démontrer qu’elles produisent sans nuire à l’environnement à court et moyen terme.

L’atteinte de ces objectifs nécessite des encouragements et donc des récompenses. Mais les gestes au quotidien, nécessaires à leur accomplissement, ne sont pas quantifiables. Ils sont seulement qualifiables.

Certes, nous acquérons jours après jours la culture de la notation qui permet aux plateformes numériques de créer de la confiance entre les citoyens offreurs et les utilisateurs de biens et de services. Mais cela ne sera sans doute pas suffisant pour instaurer un modèle de société serein.

De nouveaux instruments sont à imaginer autour d’un nouveau pacte social.

 

L’après démocratie

La démocratie est, dit-on, née au moyen orient, mais c’est en Europe qu’elle s’est développée. Elle repose sur l’idée que les peuples doivent pouvoir disposer de leur sort. Pour cela, ils désignent des représentants. En France, nous sommes sous le régime de la "démocratie représentative" qui fait que les arbitrages de celui qui a été élu ne sont plus discutables.

Dans la réalité, le pouvoir se trouve concentré dans une petite poignée de décideurs. Plus le pouvoir est concentré, plus il y a risque d’erreur. Ceci est dramatique en période de mutation.

Le niveau d’éducation de la population, la variété des problèmes et la nécessité croissante de concertation amène à dire que la démocratie actuelle ne convient plus.

D’ailleurs, dans les entreprises et dans le milieu associatif, de nouveaux modes de gouvernances basés sur la concertation et la mise à disposition de moyens s’imposent. Ce n’est plus de la démocratie, c’est un autre modèle qui n’a pas encore de nom.

 

[1] Mot créé par Vincent Cespedes en symétrie au macrobiote pour désigner la viralité de la pensée au sein d’une communauté.