Récapitulons notre passé récent : l’Europe a dominé le monde pendant plus de 300 ans avec une marine marchande et militaire plus efficace que celle des autres continents. Elle a fait des choses pas mal mais aussi des choses « inapproprié », ce qui a nourri de la rancœur.

Elle a également développé l’industrie première génération. Puis, lorsque les navires à vapeur ont fiabilisé les liaisons outre Atlantique, la City a favorisé le développement d’une industrie de seconde génération aux USA. Cette industrie, plus efficace que celle avilissante en Europe, a eu besoin de transformer l’Europe en marché d’écoulement de ses surplus, celle-ci étant la seule à avoir la capacité d’acheter ses « innovations ».

C’est ainsi que l’Europe est devenue un protectorat, fournissant aux USA matière grise et débouchés commerciaux. Notre économie était surveillée, influencée et canalisée au motif qu’il fallait s’assurer du bon emploi du plan Marshal.

La gouvernance de l’Europe a été développée avec l’objectif prioritaire d’empêcher les membres de se faire la guerre, mais pas de construire une gouvernance orientée vers la prospérité.

À présent, le plan Marshal est soldé et la géopolitique mondiale se reconfigure, par exemple autour de la volonté de disloquer l’Occident, via des guerres d’influence sans merci. Le pire des scénarios côtoie le meilleur. À nous de prendre notre destin à nouveau en main.

Nous allons le faire avec vigueur et modernité. Certes, nous nous orientons vers une forme de gouvernance de type collaboratif qui fait glousser les autocrates, mais qui présente un potentiel d’attractivité indéniable. Bien entendu, cela nécessite de l’énergie et je n’ai pas l’impression que nous en manquions.

Inversement, la trajectoire des autocrates est dramatique. Ce sont des personnes qui souffrent et qui n’ont aucun état d’âme à faire souffrir les autres. Ils ne sont pas porteurs de progrès et tôt ou tard ils sont renversés. Alors, la rancœur accumulée au-dessus de leurs têtes n’a plus de limite pour se libérer.

Pour l’heure, la Chine, les USA ou encore l’Afrique ont besoin de faire Chine, USA ou Afrique. L’Europe doit reprendre le cours de son histoire culturelle et spirituelle. Nous devons le faire en nous libérant des entraves que nous a imposées notre protecteur. Nous ne sommes pas fâchés avec notre protecteur, nous devons simplement inventer le voisinage que nous aurions toujours dû avoir, compte tenu de notre proximité historique, mais plus tout à fait culturelle.

Se préparer à la guerre au 21ème siècle nécessite de réfléchir à ce que c’est qu’une guerre à notre époque. J’ai eu l’honneur d’échanger avec Michel Goya et quelques autres gradés, y compris dans notre unité qui s’occupe du cyber. Cela nous invite à faire déjà preuve de bon sens et de détermination.

Je suis plutôt heureuse de voir l’éclosion de toutes sortes d’initiatives. Les erreurs font partie du process du renouveau que nous vivons. En discuter et rechercher les meilleures idées est déjà une contribution à cette dynamique.

Jacques Attali le fait à sa manière : il nous bouscule et nous inquiète, en nous demandant de nous considérer en guerre. Pourquoi pas.