Un monde de confiance souhaitable

Nous rêvons et nous redoutons à la fois un monde où les machines savent qui nous sommes, mais qui cessent de nous demander toutes sortes de justificatifs.

Nous rêvons d’un monde où nous sommes parvenus à rationaliser notre manière de produire et de consommer. Nous rêvons d’une gouvernance qui se veut prédictive, préventive et, seulement en dernier recours interventionniste. Nous rêvons d’un monde où la création de richesse est distribuée de manière à favoriser certes ceux qui prennent des risques et qui s’engagent, mais sans pour autant laisser les autres en mode survie…

Nous en rêvons, chacun à notre manière. Cela est désormais à portée de main si nous mettons en place des « communs de données » dont le rôle est de favoriser des échanges fluides et sécurisés des données qui reflètent nos vies.

 

Le poids du passé

La France a encore en mémoire le rôle qu’ont joué nos résistants dans le dénouement de la dernière guerre mondiale. Ils en sont fiers. Mais notre résistance a pu déployer son efficacité grâce aux traditions encore floues à l’époque quant à la manière d’enregistrer les naissances et les décès. Certains étaient enregistrés à l’église, d’autres à la mairie et parfois même nulle part… Si bien que fabriquer de fausses identités était plus ou moins facile et les vérifier carrément difficile.

Nos hauts fonctionnaires des années 70 – 80 étaient attachés à l’idée que « chaque individu à droit à sa part de vie cachée », ce qui a favorisé la naissance de la CNIL.

 

Les exigences de l’avenir

Mais aujourd’hui, le problème se pose d’une manière radicalement différente. De Gaule avait dit que la télématique devait « rendre la France efficace », c’est-à-dire que sa gouvernance devait consacrer moins de ressources humaines tout en offrant un meilleur service aux citoyens.

À présent, l’Europe promet de surveiller nos manières de produire et de consommer afin de favoriser un respect maximum de l’environnement.

La finance ne pourra indéfiniment laisser prospérer les circuits mafieux qui certes font tourner une partie de l’économie, mais au péril des démocraties, de la justice et de l’environnement.

Toutes ces étapes vont nécessiter d’admettre une autre vision de la donnée au niveau de chaque citoyens, mais aussi de chacune des organisations que nous faisons vivre et qui nous font vivre.

Les données que je sécrète tout au long de mes journées et donc de mon parcours de vie reflètent mon intimité. Mais elles sont nécessaires pour l’optimisation des organisations qui me permettent de vivre dans un environnement mature.

Pour le moment, les individus rechignent à partager leurs données, tout comme les organisations qui, elles, espèrent en commercialiser une partie. Or, pour que les promesses d’efficacité soient tenues, il est nécessaire que les données soient échangées de manière fiable en termes de fréquence et de qualité.

Alors, il faut trouver les compromis qui inspirent confiance. C’est ce que nous voisins estoniens tentent de faire avec succès depuis plus de 12 ans. Ils le font en respectant quelques principes simples :

  • une architecture de données distribuée et non pas centralisée,
  • une surveillance des accès aux données au niveau de chaque citoyen,
  • une démocratie de haut niveau pour piloter l’ensemble.

Une fois encore, nous constatons que plus de numérique nécessite plus de citoyens engagés.

C’est à la lumière de ces réflexions qu’a été inauguré le 18/01/23 la « chaire des communs de données », basée à Saclay. Fait marquant : outre un représentant de Bercy, un représentant des armées y a fait une prise de parole. Car les communs de données constituent un élément de souveraineté majeur.