Après les jeux : du pain ?

Les 45 000 t-shirts de bénévoles vont rester définitivement dans le placard, ceux des salariés en CDD vont faire de même. Les opérateurs loyaux de nos JO sont stressés, mais la France a repris confiance en elle.

Pendant ce temps-là, le nouveau 1er ministre redouble de courage, et dieu sait s’il en faut pour assumer sa mission.

Dès le départ, le ton a été donné. Un élu sur-expérimenté se met en synergie avec un élu improbable, arrivé à l’Élysée par des volontés invisibles. Mais rien ne garantit qu’ils soient en état de s’atteler aux fondements de la situation. L’un est trop dogmatique, l’autre trop marqué par les grands débats du siècle précédent.

Mais les citoyens qui vont faire le job. L’important est que ce tandem accompagne le mouvement, en résistant aux crises générées par une classe politique en déroute idéologique.

En effet, la notion de droite et de gauche ne fait plus sens. Le challenge n’est plus de savoir s’il faut favoriser les patrons ou les travailleurs. Il est de conjuguer la « fin du mois » et la « fin du monde ».

 

Au menu : que des urgences

Rien que pour ce qui concerne directement les Français, il y a : les retraites, les migrants, l’habitat, la dette, la violence urbaine, la mutation énergétique, les services publics à bout de souffle… Par quel bout commencer ? Tout est lié.

Effectivement : dans les pays à réindustrialiser, le problème n’est plus de produire toujours plus, mais produire mieux avec moins d’énergie, de ressources extractives et de main-d’œuvre. Pour cela, il faut des managers, des experts et des créatifs, au plus haut niveau de leurs capacités. Des talents qui ont besoin de se renouveler sans cesse. Ainsi :

  • Le pacte social du siècle précédent est à revoir de fond en comble. Est-ce possible avec les syndicats du siècle précédent ?
  • Les mécanismes monétaires sont à repenser. Est-ce possible avec les dogmes du siècle précédent ?
  • La démocratie représentative est à remplacer par une démocratie organique. Est-ce possible avec les institutions qui protègent le système ? …

Il va bien falloir : l’économie que les générations montantes instaurent va entraîner de nombreuses évolutions dans nos institutions.

Il faut commencer par le pacte social. Le reste suivra.

 

D’un pacte social à l’autre

L’actuel a été construit autour du postulat selon lequel le progrès advient des entrepreneurs. À ce titre, il est admis qu’ils s’enrichissent autant qu’ils le peuvent. En contrepartie, ils doivent fournir de l’emploi au plus grand nombre et de la taxe pour faire fonctionner L’Etat.

Or, en raison des progrès qui ne cessent de s’accélérer et guidés par la nécessité de respecter l’environnement, les pays industrialisés, avec qui nous sommes en compétition, produisent et consomment de manière de plus en plus rationnelle.

Cette rationalisation réduit les volumes, les prix, les profits et les taxes :

  • Les entrepreneurs ne peuvent plus tenir leur promesse de fournir de l’emploi au plus grand nombre ni des taxes en croissance constante. Mais ils réclament des collaborateurs de haut niveau et donc des institutions efficientes dans un climat de prospérité.
  • La finance, qui rechigne à réduire ses profits, met la pression sur ses clients / emprunteurs (dont les États) / locataires.
  • L’Etat cherche à réduire ses dépenses afin de limiter son endettement, mais doit tout de même « acheter de la paix sociale » pour masquer ces manquements.
  • Les citoyens le demandent aussi parce que l’ascenseur culturel devient prioritaire sur l’ascenseur social.

Acheter de la paix sociale à crédit, n’est pas une stratégie durable. Sortir de cette boucle infernale va nécessiter de l’audace.

 

Pendant ce temps-là la démographie se régule et les citoyens vivent de plus en plus longtemps en bonne santé. La logique voudrait que le temps rendu disponible dans l’espace productif soit réorienté vers l’espace contributif (celui qui développe la qualité du vivre ensemble).

Mais, aussi longtemps que les activités contributives (la famille, le savoir, la démocratie, la spiritualité, les résolutions de conflits juridiques, sanitaires et environnementaux) seront considérées comme des dépenses, rien ne sera possible.

 

Avant l’ère industrielle, l’équilibre se jouait entre l’Église et L’Etat. Les nobles pouvaient s’enrichir autant qu’ils le pouvaient à condition qu’ils protègent les terres dont ils avaient la charge et qu’ils fournissent au royaume les taxes nécessaires au standing de la royauté et les hommes nécessaires pour faire la guerre. L’église s’occupait du reste.

La bascule dans le modèle actuel s’est faite dans le sang, ce qu’il faut éviter !

Alors, quel modèle à présent et comment y accéder ?

 

Où trouver l’inspiration ?

Lors de la Révolution française les salons, les paroisses, les Franc-maçonnerie et les échoppes bruissaient de débats. Peu à peu, des idées, encore imparfaites à ce jour, se sont imposées et des leaders se sont révélés capables de les porter.

Pour le moment, les débats sont éparpillés à travers l’illusion des échanges numériques. Notre élite n’est plus efficiente, les partis politiques sont concentrés sur la captation de postes à responsabilité déconstructive, les académiques ne travaillent que sur les sujets admis par leurs bailleurs de fonds.

Quant aux think tanks, ils sont les nouveaux salons, mais n’ont pas de moyens et ceux qui en ont sont soutenus en réalité par leurs sponsors.

Mais, inexorablement, la bascule sociétale est en marche. Les JO Paris 2024 en ont tracé les grandes lignes : inclusivité, respect de l’environnement, fierté de notre Histoire, recherche d’excellence… Et finalement audace.

Ces JO nous ont également rappelé qu’avec le sport, nous pouvons développer de l’intelligence collective, ce que ne font plus les églises, ni le monde du travail ni personne d’autre réellement. Mais nous pouvons également le faire à travers des activités culturelles et associatives, ainsi que les think tanks, les comités de quartier, les groupements professionnels…

Le nouveau modèle de société va nécessiter de l’audace car il consiste à dire que nous voulons que notre vie sociale et économique ne soit plus exclusivement pilotée par la logique capitaliste au sens où nous l’avons développée au siècle dernier, certes avec succès.

Nous devons à présent mettre en synergie la richesse productive (celle que nous connaissons) et la richesse contributive (celle dont dépend la qualité de notre vivre ensemble).

 

Mobiliser autour d’un modèle inclusif et dual

Nous avons besoin d’une stratégie qui allie les problèmes de « la fin du mois » et de « la fin du monde », c’est-à-dire un modèle plus complexe, mais de ce fait plus robuste.

L’économie contributive ne doit pas dépendre de la haute finance. Elle est l’affaire des citoyens, au service des citoyens. Les citoyens doivent pouvoir s’y impliquer tout au long de leur parcours de vie. Voilà le challenge qui se présente à nous.

Nos institutions ne sont pas outillées pour cela. Nos élites n’y sont pas préparées, notre démocratie est trop embryonnaire pour avoir l’agilité nécessaire… Mais dans la population, il y a des foyers de réflexion à explorer.

Les « grands débats » peuvent être remis en route, mais cette fois-ci pas pour faire « genre, j’écoute le peuple ! (sans lendemains) ». Il s’agit de reconnaître l’ampleur du challenge et se mettre à l’écoute des plus intuitifs d’entre nous, confrontés aux plus expérimentés.