Organiser des Etats généraux maintenant ?
Par genevieve-b. dimanche 27 octobre 2024, 14:24. le billet du dimanche démocratie | Lien permanent.
Les états généraux permettaient aux rois de consulter la noblesse, le clergé et le tiers état avant de prendre des décisions face à des crises majeures.
Nous n’avons plus de rois, seulement des élus, qui ont à faire face à des problématiques nouvelles pour lesquelles les recettes de gouvernance habituelles ne sont plus adaptées.
Manifestement, nous changeons de civilisation et notre pacte social n’est plus adapté.
Des « états généraux » (version 21ème siècle) deviennent nécessaires. C’est l’initiative menée par Pierre Calame.
Si, après avoir lu l’article ci-dessous, vous êtes convaincu de la nécessité de demander des états généraux, faites le savoir en signant son appel.
À propos des états généraux
L’avis des états généraux n’était que consultatif, mais les parties prenantes s’exprimaient et cherchaient la solution la plus admissible, y compris pour le régnant, soucieux de protéger sa dynastie afin d’assurer la stabilité du pays.
Philippe Le Bel a tenu un des premiers états généraux en 1305. La population était de 15 millions d’habitants et la société était très structurée en classes sociales.
Aujourd’hui, nous sommes 67 millions et les notions de classes sociales sont diffuses. Rassembler des états généraux semble une gageure. Mais nous disposons de moyens culturels et matériels qui rendent cela possibles.
À propos du changement de civilisation
Les civilisations naissent autour d’une opportunité de création de richesse (une source, une plante, une innovation …).
Elles développent les institutions qui permettent d’exploiter efficacement cette source de richesse. Mais tôt ou tard, celle-ci se délite (épuisement, compétitions venues de l’extérieur, évolution du climat …).
Les institutions deviennent inefficaces car elles ne sont plus adaptées. Alors, les dirigeants durcissent leur pouvoir ou se radicalisent. La population devient ingouvernable.
En l’espèce, l’Europe a quitté l’ère industrielle, dont elle a été le berceau. Cette époque a été construite au gré de sacrifices populaires et de prises de risques de la part des entrepreneurs. La promesse qui faisait avancer les troupes était « le mieux-être pour tous grâce au progrès ».
Il est vrai qu’un certain mieux-être est entré dans les maisons et sur les lieux de travail.
Mais le progrès a fait émerger une nouvelle civilisation qui répugne au « toujours plus » au profit du « mieux avec moins » : voilà le temps de la rationalisation.
Cette rationalisation impose un vivre ensemble de haut niveau afin de faire émerger les experts, les managers et les créatifs dont les entreprises et les administrations ont besoin, en lieu et place d’une main-d’œuvre abondante et soumise.
La mutation très profonde qui en résulte bouscule nos institutions ainsi que nos dogmes économiques et sociaux. Elle réclame un retour à l’intelligence collective.
Le monde qui vient appartient à ceux qui maîtrisent le complexe et admettent que l’Homme ne peut pas dompter la nature, mais il doit composer avec elle. Pour cela il faut être prêt à abandonner les organisations hiérarchiques et s’inspirer des organisations en rhizome communément présentes dans la nature.
Besoin d’une démocratie plus mature
Ce que nous constatons pour le moment : des guerres multiformes, des mouvements migratoires puissants, une démographie en mutation (moins d’enfants, mieux éduqués), des citoyens désireux de s’engager tout au long e leur parcours de vie, mais pas seulement dans l’économie productive ... dans le même temps, les sources d’énergie se décentralisent, la complexité modifie profondément les besoins de gouvernance, les logiques de consommation se mutualisent et l’ascenseur social est abandonné au profit de l’ascenseur culturel…
Notre forme de démocratie dite représentative ne semble plus adaptée face à la variété des problèmes, les niveau d’expertise pour les appréhender, le niveau d’accès à l’information des citoyens, la pénétration des influenceurs … etc.
Cette situation doit être considérée comme une opportunité pour l’Europe qui a son tissu entrepreneurial à reconstruire, ses institutions à reformater et sa démocratie à moderniser.
Opportunément, elle doit être confiante car elle bénéficie toujours d’une géographie, d’une géologie et d’une climatologie favorable en dépit des modifications en cours. Ces composantes fondamentales, qui sont la source de son rayonnement depuis des millénaires, nous imposent de tout mettre en œuvre pour éviter de nouveaux massacres tels que la Saint-Barthélemy ou la révolution française, qui ont résulté d’une mauvaise communication entre le peuple et ses dirigeants.
Pour le moment, nos élus ont contenu la révolte qui gronde en achetant à grands frais de la protection sociale, mais ceci n’est plus tenable.
Néanmoins, en guise de résilience, des groupes de réflexions fleurissent, mais faute de structuration, cette énergie créative génère de la déception. C’est cette création de valeur qui doit être mise en synergie.
Les États généraux semble adaptés à ce type de situation : ils ouvrent un espace dédié à l’intelligence collective, celle qui a fait l’ascension de sapiens du temps des tribus.
L’urgence est donc de libérer la parole et de permettre aux citoyens de choisir un projet de société afin de dépasser les idéologies qui n’ont pas tenu leurs promesses ou qui ne fonctionnent plus.
Le diagnostic étant posé et adopté dans ses grandes lignes, il est possible d’ébaucher un modèle de société puis de redéfinir les contours des institutions qui vont porter ce modèle.
Le but : construire une perspective fédératrice pour permettre aux citoyens de s’engager à nouveau et, à cette occasion, de faire émerger des dirigeants capables de porter ce nouvel épisode de notre histoire.
Bâtir un modèle de société s’étale sur un ou deux siècles. Mais à travers les états généraux, il s’agit simplement d’en dessiner les contours.
Deux ans pourraient suffire étant donné l’effervescence intellectuelle de nos think tanks et de l’apprentissage acquis en matière de capacité à s’écouter et à rechercher des compromis, même si beaucoup restent à faire dans cette culture peu familière au gaulois qui veillent encore en nous …
La tenue de ces états généraux contient en elle-même l’évolution des mécanismes de notre démocratie ! en cas de succès, nous pouvons en attendre l’élan collectif qui va nous permettre de sortir de la « religion du rien » qui actuellement répand langueur et désespoir sur nos terres.
Exemple d’organisation
- L’initiative devrait partir du Premier ministre puisqu’il s’agit d’éclairer ses orientations en matière de gouvernance du pays en cette période inédite.
Il donne les grandes lignes des thèmes à aborder et les fait valider par le parlement.
- Les structures d’appui peuvent être les CESER(s) pour les concertations locales et le CESE pour les concertations transversales et celles concernant les interdépendances. Leur mission : organiser la logistique, élaborer les bases de connaissances, produire les synthèses des experts volontaires et les citoyens tirés au sort.
- Les experts volontaires sont des personnalités ou des think tanks qui estiment avoir des travaux à mettre en débat. Ils s’écoutent et cherchent à mettre au point des modèles types à proposer dans leur région. La difficulté à surmonter résulte du fait que ce ne sont pas des experts d’hier qui sont les plus à même de produire des solutions innovantes. Ce ne sont pas les « chercheurs fous » qui sont à même de proposer des solutions opérationnelles. C’est le croisement de leurs idées qui contiennent des germes de solutions.
- Les citoyens bénévoles peuvent assister aux travaux des experts et réagir afin de contribuer aux consensus sur 3 modèles qui vont être proposés aux citoyens.
- Les citoyens tirés au sort affinent les modèles et se concentrent sur celui qui semble le plus prometteur.
- Les rapporteurs sont des citoyens volontaires engagés quant à leur probité et dotés d’outils facilitant la numérisation est les synthèses.
Les travaux qui en résultent sont accessibles aux citoyens et aux élus mais surtout adressé au gouvernement qui rendra des comptes quant à la sélection des mesures prises ou à prendre à court, moyen et long terme.