Les tentatives de régulations par la comptabilité

Le conseil de l’ordre des experts comptables s’est penché sur la question depuis les années 2000.

Plusieurs propositions ont été imaginées et même expérimentées. Par exemple la comptabilité CARE de Jacques Richard ou celle de Jacques de St Front, dite « comptabilité universelle ».

L’UE tente de nombreuses initiatives et Bâle IV n’est pas en reste.

Il en ressort que la notion de création de valeur dépasse la notion de profit. Mais tout ceci reste confus.

 

La création de valeur versus le profit

Le profit est ce qu’il reste une fois que la production a été vendue et que tous les frais, salaires, impôts et taxes ont été réglés.

L’entreprise doit faire du profit pour assurer sa croissance et ses évolutions.

 

La création de valeur désigne ce qui existe et qui est positif à la suite d’une action humaine :

Par exemple lorsqu’une voisine aide mon enfant à faire ses devoirs.

Par exemple également : lorsqu’un technicien de surface a soigneusement nettoyé les lieux dans lesquels des réunions se tiennent.

Et même non humaine :

Par exemple, lorsque les abeilles jouent un rôle dans les mécanismes de pollinisation.

 

Nous terminons l’ère industrielle. Cette période peut être considérée comme la fin de la sédentarisation, c’est-à-dire la période durant laquelle les Hommes cessent d’être nomades pour pouvoir travailler les métaux et construire des édifices monumentaux à usage spirituel et souverain.

Durant cette période, ils ont tenté de dompter la nature pour qu’elle produise près de chez eux de quoi satisfaire leurs besoins primaires.

Cela a donné une économie agraire, puis industrielle.

 

À présent, nous admettons que nous ne pouvons pas dompter la nature et que l’ère industrielle doit certes continuer à faire des progrès, mais cesser de surproduire.

Alors, nous voulons rationaliser notre manière de produire et de consommer. L’idée est de composer avec la nature. Cela est possible, notamment avec le numérique est bien d’autres progrès en cours de développement.

Nous voulons également faire des progrès sociétaux. Nous voulons un vivre ensemble de haute qualité :

  • Nous exigeons des hôpitaux qui soignent, des tribunaux qui jugent, des écoles qui enseignent …
  • Nous voulons aussi une démocratie qui fonctionne du bas vers le haut, ce qui nécessite de l’engagement de la part des citoyens pour se former, s’informer, se concerter, prendre des décisions, suivre leur mise en application et passer le relais.
  • Nous avons besoin de donner du temps à nos familles,
  • Nous voulons contribuer au développement de la culture, des savoirs, de l’innovation …
  • Nous ressentons le besoin également de donner une place à la spiritualité.

Nous nous acheminons donc vers une nouvelle forme d’économie, car les priorités changent radicalement : Sapiens n’est plus inquiet quant à ses besoins primaires. Il veut à présent s’élever de sa condition humaine, ce qui est dans l’ordre des choses sur le plan anthropologique.

 

La migraine de la finance et des fiscalistes

Combien de temps pour fabriquer une idée, dénouer une crise ou encore développer le patrimoine culturel de sa région ? Nul ne peut répondre et c’est la raison pour laquelle ces formes de création de valeur sont financées par les impôts & taxes ou par les dons, soit des ressource limitées sous peine d’étouffer l’économie.

Certaines créations de valeur ne sont pas financées du tout et donc pas récompensées : elles relèvent du bénévolat, du volontariat ou de l’emploi caché.

 

Or, c’est via ces formes de création de valeur que nous développons notre attractivité et notre prospérité.

La prospérité s’obtient lorsque l’ensemble des membres d’une communauté produit de la création de valeur qui profite à cette communauté. Toutes les formes de création de valeur sont les bienvenues.

Ceci nous amène à faire évoluer notre pensée économique.

L’économie décrit la manière dont une communauté choisit de répartir la richesse créée.

Nous sommes donc en train de décider de prendre en considération non plus une, mais deux formes de richesses :

  • L’économie productive qui est dédiée à la satisfaction des besoins primaires des citoyens,
  • L’économie contributive qui est dédiée au développement de la qualité du vivre ensemble.

Tant que nous chercherons à le faire via les logiques actuelles, les financiers et les fiscalistes ne vont cesser de buter sur la valorisation de l’économie contributive et la mettre en opposition frontale avec l’économie productive.

Or, les états des économies développées sont contraints d’évoluer :

  • Elles voient la croissance de leur PIB diminuer alors ils s’endettent pour faire face aux coûts croissant de la qualité du vivre ensemble exigée par leurs concitoyens.
  • Tandis que les autres états augmentent mécaniquement la croissance de leur PIB, ce qui leur donne une impression de puissance nouvelle et qui crée des désordres géopolitiques.

 

Penser autrement la création de valeur

Ces deux formes de création de valeur sont complémentaires. Il faut donc les mettre en synergie et donc résoudre deux problèmes :

  • Contourner l’absence de métrique dans l’économie contributive,
  • Mettre en synergie ces deux formes de création de valeur.

C’est l’objet de la publication « quelle(s) monnaie(s) pour quel modèle de société ».

La proposition qui y est mise en débat pose les hypothèses suivantes :

  • La monnaie devenant numérique, elle devient potentiellement intelligente.
  • L’économie pour fonctionner a besoin que :
    • La monnaie circule,
    • Les Hommes disposent d’un minimum vital pour contribuer à la prospérité.
    • Les citoyens veulent plus de liberté, ce qui implique qu’ils doivent plus s’impliquer.

Alors, pourquoi ne pas leur donner les moyens de s’impliquer dans la qualité du vivre ensemble en échange d’un revenu contributif qui leur permet de couvrir les dépenses contraintes que génèrent nos modes de vies au 21ème siècle dans les économies développées ?

Pour cela, il convient de faire en sorte que la fiscalité soit remplacée par le mécanisme monétaire qui permet de servir des revenus contributifs, ce qui a notamment pour effet de simplifier drastiquement la complexité des systèmes de redistribution.

Autrement dit :

  • L’économie contributive repose sur la confiance dans la volonté des citoyens de s’engager, chacun à leur manière, dans « la vie de la cité », même si cette confiance n’empêche pas le contrôle.
  • L’économie productive fonctionne comme actuellement, si ce n’est qu’elle conditionne le dynamisme de l’économie contributive puisque les revus contributifs distribués sont conditionnés par le dynamisme de l’économie productive … Laquelle économie est conditionnée par la qualité des relations avec l’environnement géopolitique.

Cette proposition est conçue pour ouvrir les débats que nous ne pourrons pas repousser éternellement à plus tard. Mais pour ouvrir ce type de débat, il faut accepter de sortir des bacs à sable habituels et mettre de côté les dogmes du siècle dernier.

 

En conclusion

Le financement de la transition climatique nous pousse vers :

  • Une refonte de notre vision de la création de valeur qui devient duale,
  • Des mécanismes de gouvernance qui deviennent fractals : du bas vers le haut,
  • Une avancée majeure dans les mécanismes de démocratie : faire confiance dans le désir et les capacités d’engagement des citoyens qui deviennent acteurs de leur sort et non plus consommateurs exigeants de prestations régaliennes.

C’est donc bien une nouvelle civilisation que nous avons à instaurer. Si nous ne le faisons pas nous allons devoir accepter de nous soumettre à des régimes autoritaires. Tout au plus nous allons pouvoir le choisir : américain, chinois, russe …