4 manières d'appréhender le futur

 

  1. L’astrologie est la plus ancienne. Elle repose sur le constat que le vivant est marqué par le mouvement des astres.

 

  1. Les prévisions sont faites avec des données. Efficace pour des échéances courtes (1 seconde à 3 ans),

 

  1. La prospective est faite en faisant construire des scénarios à échéance de 3 à 5 ans par les parties prenantes d’une problématique donnée. Cependant, ces scénarios reposent sur leur imaginaire. Conséquence : le résultat est marqué par les biais cognitifs des participants,

 

  1. La Futurologie ou VLT (vision à long terme) est utilisée en amont des autres démarches citées ci-dessus. Ses échéances : 30, 60, 90 et 120 ans.

 

Ces manières sont complémentaires

La science-fiction est construite avec des narratifs sortis de l’imagination d’artistes et de la futurologie cybernéticienne.

 

 

Pourquoi s’intéresser au long terme

Churchill disait :

« Plus l’actualité va vite, plus il faut regarder loin pour prendre des décisions immédiates ».

Le futur se dessine jour après jour selon des principes que nous commençons à comprendre à travers les progrès scientifiques.

 

 

Les 2 branches de la futurologie

La futurologie repose sur l'idée que les souches de notre futur sont inscrites dans notre passé. Deux approches complémentaires pour explorer notre passé :

 

  • La futurologie systémique est faite en corrélant des statistiques. Elle repose sur l’idée que tout est lié dans le vivant. Si un paramètre bouge, tout bouge.

Le rapport Meadows du Club de Rome a été construit avec la futurologie systémique. Ceci a été éclairant à bien des égards.

Ses limites : les séquences de chiffres ne parlent que du passé et n’intègrent pas les composantes non chiffrées ou non chiffrables.

la qualité des données disponibles est essentiel dans le rendu, mais également celle des algorithmes qui sont hélas souvent emprunts de bais cognitifs.

Mais surtout, intervenant sur des séquences longues, cette approche ne tient pas compte des capacités d’adaptation tactique du vivant qui sont pourtant le propre du vivant.

Au fil du temps, cette approche se trouve donc souvent mise en défaut. C’est ce qui fait dire, à tort, que le futur est imprévisible.

La finance et plus largement les cabinets de conseil en stratégie et les ministères labourent les données statistiques pour éclairer leurs recommandations.

Mais avec l’enchevêtrement des crises que nous traversons, nous prenons conscience que cette approche génère trop d’angles morts pour les décideurs.

 

Alors, si les mathématiques nous ont permis de faire des progrès considérables dans la mécanique, la chimie ou encore la logistique, elle ne doit être utilisée qu’à titre indicatif lorsqu’il s’agit du vivant à long terme.

 

 

  • La futurologie cybernéticienne repose sur l’idée que le vivant est composé d’organes interdépendants. Chaque organe évolue au grès des opportunités et des dangers qu’il perçoit. Mais il veille à préserver ses interdépendances. Il y a donc une logique globale dans l’évolution au sein du vivant.

 

Zoom sur la futurologie cybernéticienne

Le « cyber » est un terme tiré du mot grec Kubernêtikê signifiant « gouvernail ».

Ce blog est dédié à la futurologie cybernéticiennes ("prospective cybernetic" en anglais).

 

 

Cette discipline agrège :

  • l’état des sciences du vivant et de la terre qui expliquent le passé, afin de tracer des tendances probables,
  • elle les confronte ensuite aux tendances qui émergent chez les précurseurs : les innovateurs et les artistes.

 

Concrètement, la futurologie cybernéticienne s’intéresse aux mécanismes de prise de décisions dans le vivant en général et plus spécialement chez l’Homme, le dernier mammifère apparu sur terre.

À titre individuel, nous prenons des décisions en nous appuyant sur :

  • Notre passé immédiat, dont nous avons conscience,
  • Notre passé profond, hérité de notre lignée et que nous ne maîtrisons guère. C’est notre passé profond qui a le plus de poids dans nos prises de décision.

 

Le processus de décision d’une collectivité est semblable à celui des individus isolés… sauf lorsque certains individus ou toute la collectivité sont sous influence ou fanatisée.

 

 

Mise en œuvre

Pour ce qui est de la compréhension du passé, la futurologie cybernéticienne n’a pas recours à l’imagination. Elle utilise seulement l’analyse des faits validés scientifiquement et des principes reconnus.

Pour ce qui est du futur suggéré par les précurseurs, les mouvements sont appréhendés au regard de ceux décelables dans l’analyse du passé. Les grandes ruptures sont analysées à part.

Le futur est pensé de manière cybernétique, c’est-à-dire en mouvement permanent.

Ses méthodes de travail sont organisées autour de certains principes. Par exemple, l’évolution va toujours dans le même sens : elle vise à obtenir un meilleur résultat avec moins d’énergie, elle va de la matière vers le spirituel… etc.

 

Exemple (générique) : durant la sédentarisation, l’Homme a cherché à dompter la nature. Pour cela, il a construit des outils et tenté de maîtriser la matière. À présent, il se rend compte qu’il ne peut pas dompter la nature, mais qu’il doit composer avec elle.

Il veut maîtriser son environnement et non plus seulement la matière. Il se dote d’outils qui lui permettent d’appréhender le complexe. C’est ce qui aboutit à la numérisation de nos sociétés.

 

La futurologie se pratique au niveau d’une problématique donnée :

Par exemple : que deviennent les métiers liés à la justice avec l’arrivée de la conciliation et des legaltech ?

Elle se pratique dans des contextes multidisciplinaires :

Par exemple : que penser de la décrue démographique des villes ?

Ce qui compte dans le travail du futurologue cybernéticien, ce ne sont pas ses conclusions mais la construction intellectuelle qu’il soumet au débat.

 

 

Brève histoire de la futurologie cybernéticienne

Cette discipline existe depuis à peu près un siècle.

Les Français y étaient en pointe. Elle a été enseignée à Dauphine de 1972 à 1976, notamment par les commissaires au plan de l’équipe de Charles de Gaule. Le laboratoire a été fermé au motif que "la France n’était pas une économie planifiée et que, par conséquent, elle n’avait pas besoin de posséder ses propres futurologues".

Le commissariat au plan de l’époque était le principal débouché pour les futurologues cybernéticiens. Il avait pour mission :

  • d’ajuster les plans à 5 ans afin d’éclairer les réalisateurs des budgets annuels ainsi que les décideurs en matière de stratégie industrielle, de politique d’aménagement du territoire, d’orientation du système éducatif… etc.

 

  • Les plans à 5 ans étaient actualisés à partir des scénarios réalisés par les prospectivistes,

 

  • Les prospectivistes construisaient leurs scénarios à partir des visions à 30, 60, 90 et 120 ans, actualisées, par les futurologues.

 

Pourquoi nous ne faisons plus de futurologie ?

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, deux axes idéologiques se sont affrontés : le « monde libre » (libéral) et le monde « planifié » (communiste).

Au motif de suivre le bon déroulement du plan Marshal, les USA ont développé un ensemble de structures privées (exemple les cabinets de conseil américains appelés les « Big for ») et collectives (dont l’OCDE) qui ont veillé à orienter le développement économique du « monde libre » dont l’Europe et donc la France, mais en préservant l’hégémonie américaine.

La polarisation USA / URSS s’est délité avec la fin de l’URSS, mais s’est reformé avec l’affrontement à fleuret moucheté USA / Chine.

De ce fait, la futurologie s’est trouvée développée essentiellement aux USA et en Chine qui se considèrent comme les chefs de file de leur emprise idéologique.

 

Pourquoi nous devons en faire à nouveau

En ce début de 21ème siècle, le monde « libre » tend à se gouverner à grand renfort de big datas et le monde planifié développe l’entrepreneuriat à tout va.

La notion de mondialisation a montré ses limites. Chaque zone géopolitique s’organise pour faire face à ses évolutions spécifiques.

C’est ainsi que l’Europe doit pratiquer à nouveau la futurologie cybernéticienne pour reconstruire sa stratégie industrielle, financière et démocratique … et recomposer son « vivre ensemble » afin de reconstruire sa prospérité.