Les biens faits de la monnaie

La monnaie apparaît au fur et à mesure que l’Homme se sédentarise et que les communautés se structurent pour réaliser des monuments et donc des outils, des armes et des bijoux. La monnaie facilite les échanges, elle permet de stocker de la valeur et permet de réguler les prix.

Il faut que la monnaie ait la confiance de tous. Son pilotage est confié à l’autorité suprême car les échanges ne se passent pas toujours bien.

La monnaie a été conçue dans une économie agraire et artisanale. C’est-à-dire une forme d’économie où la géologie et la climatologie sont fondamentales par rapport aux connaissances et au travail fourni.

Cette monnaie n’a guère évolué au moment du passage à l’industrie alors que les règles de création de valeur ont fondamentalement changé. C’est plutôt la comptabilité qui a évolué et elle est même devenue sophistiquée.

À l’ère du numérique, les mécanismes de création de valeur changent de manière encore plus radicale, mais la monnaie ne change toujours pas… Mais devrait-elle changer ?

 

La création monétaire

Schématiquement, la monnaie est créée chaque fois qu’un projet se met en route (construction d’un pont, d’une usine, d’une automobile, d’un médicament, d’un logiciel…). Cela donne lieu à un emprunt qui lie une banque à un porteur de projet. Celui-ci rembourse l’emprunt au fur et à mesure que le projet rapporte du profit. Dans les livres de compte de la banque, l’argent créé au moment de l’acceptation de l’emprunt est détruit.

Cependant, pour que son business soit lucratif et pour couvrir les risques de non-remboursement, le banquier demande que la somme restituée soit de x % supérieure à la somme empruntée. Ce mécanisme monétaire fait que notre monnaie est qualifiée de « monnaie dette » ! C’est à cause d’elle que s’installe le consumérisme.

 

La fuite en avant du toujours plus à cause de la monnaie dette !

Pour faire tourner l’économie, il faut donc lui assurer une croissance perpétuelle. Cette croissance est assurée via 2 leviers : la démographie et le progrès. L’inflation sert de régulateur pour la ralentir ou au contraire la stimuler.

L’inflation est un médicament très dangereux. Elle a joué un rôle majeur dans le lancement de la dernière guerre mondiale.

La démographie est encore exubérante dans l’hémisphère sud, elle est en attrition au nord et plus particulièrement en occident. Les économies occidentales ne peuvent plus trop compter sur ce paramètre, d’autant que la population vieillissante est moins réceptive aux injonctions consuméristes.

Il faut donc compter sur le progrès.

 

La bascule sociétale via l’économie circulaire

À la fin du 20ème siècle, les USA ont imaginé une certaine forme de mondialisation où le nord concevrait des produits et le sud les produirait où, en raison d’une démographie exubérante, la main-d’œuvre est peu chère.

Cette brillante idée n’a fait qu’accélérer ce qui devait se produire : les savoirs ont infusé tous les continents pour ce qui est des connaissances théoriques, mais pour ce qui est des savoirs faire, les pratiques se sont effacés dans le Nord.

Le consumérisme touche aujourd’hui aux limites physiques de notre planète. Nous sommes donc contraints de repenser notre modèle. Le nouveau a reçu le nom d’« économie circulaire » qui fait la promesse suivante :

Produire la juste quantité, au bon moment, au bon endroit et pour les bonnes cibles, tout en étant aussi économe que possible en matière extractive, en énergie et en ressources humaines.

L’économie en matière de ressources humaine est rendue nécessaire afin que la réindustrialisation du nord soit plus performante que les pays du sud. Cela est possible grâce aux robots et aux numériques.

Cependant, les générations montantes vont plus loin : elles veulent consommer moins mais mieux et demandent donc aux industriels de produire moins mais mieux.

Les urbanistes, les citoyens et les économistes découvrent par exemple qu’une voiture n’est utilisée que 17 % de son temps en moyenne et qu’elle nécessite de déplacer près d’une tonne pour satisfaire les besoins de moins de 100 Kg d’humain.

C’est ainsi que les usines qui construisaient des voitures se reconvertissent dans la rénovation de voitures existantes et que celles qui en construisent vont progressivement construire des véhicules communautaires, bien plus robustes et faciles à entretenir, mais en nombre bien inférieur.

Ce qui est vrai pour la voiture l’est pour bien d’autres domaines : les agences immobilières nous proposent des photos de salon élégamment dépouillées qui n’ont plus rien à voir avec les intérieurs surchargés de nid à poussière du début du siècle dernier.

Ainsi, l’évolution fait que ce que nous pourrions attendre du progrès revient à réduire les prix et donc les profits potentiels.

Voilà pourquoi la monnaie actuelle ne fonctionne plus.

 

Le dividende monétaire, cet inconnu

Chacun peut observer que l’économie continue à fonctionner, même si la grogne se fait de plus en plus inquiétante.

Elle est calfeutrée avec de la dette ! Pour faire tourner l’économie occidentale, il faut injecter de la dette. Mais dans la « monnaie dette » n’est pas une amie de la dette. Les argentiers qui ont crée la dette se sont organisés pour être payés de leur prise de risque. Ils ne demandent pas nécessairement le remboursement du principal qu’ils ont créés ex nihilo, mais au moins les intérêts.

Pour les USA, l’endettement actuel est de 130 % du PIB. Un ménage qui verserait chaque année à son banquier des intérêts à hauteur de 130 % de son revenu annuel ne serait pas très confortable pour entreprendre des projets.

Ce surendettement organisé s’appelle le dividende monétaire. Le mécanisme de production des sommes correspondantes fait qu’elles ne descendent pas dans l’économie réelle. Le système devient donc définitivement absurde et menace de s’effondrer.

 

L’après consumérisme

Les générations montantes considèrent que les besoins primaires du plus grand nombre sont quasiment satisfaits, alors que le développement du bien commun devient une source de d’attractivité à un moment où le savoir et les talents deviennent une source majeure de compétitivité.

Elles veulent développer le bien commun à travers des activités, dites contributives, dédiées à la famille, le savoir, la démocratie, la spiritualité et tout ce qui concerne les résolutions de conflits sanitaires, sociaux et environnementaux.

Dans ces activités contributives, la création de valeur se comporte de manière opposée à la création de valeur dans l’économie productive que nous connaissons (agraire, artisanale, industrielle et numérique).

C’est dans ce contexte que la monnaie doit être repensée. Or, devenant numérique, elle ouvre de vastes possibilités de diversification, de souplesse et de capacité d’évolution.

C’est par exemple dans ce contexte que commencent à se développer les monnaies fléchées qui permettent à certains de nos concitoyens de bénéficier d’aides… Mais attention à la notation sociale qu’expérimentent nos amis chinois.

La monnaie devient un vaste sujet de société.