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Les technologies de l’information matérialisent notre vision du monde

Les GAFA sont l’aboutissement d’une stratégie marquée par la science-fiction, née en occident à la fin du 19ème siècle, qui a pour trame l’espoir de dominer le monde à travers la technologie. À cet imaginaire s’ajoute le désir secret, cher aux grands argentiers depuis au moins le temps des Lombards, de tout connaître sur les citoyens de manière à mieux les encadrer.

 

La bascule sociétale que nous vivons a pour moteur principal la crainte d’un suicide collectif, perçu à travers les modifications climatiques ainsi que les dysfonctionnements sanitaires et sociaux induits par le modèle de société dit « occidental » que nous avons développé.

Il s’agit d’un mouvement profond et planétaire qui amène les créatifs culturels à proposer une autre vision du monde en s’inspirant de la nature.

Le modèle de société qui va émerger a pour référence ce modèle « occidental ». Il se construit pour une part en réaction à ses excès récents et en s’adossant à ses valeurs sûres. L’UE étant le berceau de son propre modèle est la mieux placée pour imaginer le modèle à venir qui lui convient. Sa capacité à innover en la matière est même attendue !

Les progrès qui nous permettent de regarder autrement l’infiniment petit et l’infiniment grand recadrent notre "arrogance scientifique" et excite notre désir de pousser plus avant nos modes de pensée.

Une des observations qui domine notre réflexion concerne la complexité. Non seulement la nature est plus complexe que nous l’avions imaginée, mais pour poursuivre notre évolution, nous devons nous doter d’outils qui nous permettent d’aller vers des gouvernances plus subtiles et donc plus complexes.

Ceci explique le sens des évolutions de nos outils liées à la collecte et à l’exploitation des données. L’IA constitue une étape significative. Elle s’impose à un moment où elle peut servir de support à notre changement de vision du monde.

 

Les innovations se révèlent dans un flux continu plus ou moins rapide et dense. Cependant, à certains moments des opportunités de positions dominantes se font jour. C’est le cas à présent et l’UE se trouve en pôle position… à condition qu’elle en prenne conscience.

 

Le hardware gigantesque a vécu, place au coopératif

De par son histoire récente, l’UE se trouve être un coin de la planète où les pays qui la composent ont appris, dans des conditions contraintes, à ne pas se faire la guerre… et donc à coopérer. Ces contraintes se dissipent lentement, ce qui lui donne la possibilité de passer à une nouvelle étape dans sa gouvernance : cette coopération dépasse la non-agression et amorce une gouvernance organique.

Par gouvernance organique, il faut entendre la recherche permanente de contrats win-win entre ses voisins. Ces contrats peuvent être, selon le cas, locaux ou collectifs ou partiels, ce qui compte, c’est qu’ils soient win-win et évolutifs… C’est-à-dire tout le contraire de ce qui a été fait jusqu’à présent.

 

L’analyse de la disparition et la préservation des espèces nous montrent que les organismes puissants sont dangereux parce qu’ils doivent leur position dominante à l’instauration et l’exploitation d’un environnement adapté à leur spécificité. Or, dans notre cosmos, tout bouge. Lorsque cet environnement change, ils ont plus de peine que les autres à évoluer et ils disparaissent. En revanche, les espèces qui ont misé sur l’adaptabilité et la coopération avec leur environnement parviennent plus aisément à endosser le changement puisqu’ils s’adaptent en même temps que leur environnement.

 

Imaginer que les puissants GAFA et les BATX vont disparaître peut sembler une gageure peu inspirante pour bâtir une stratégie industrielle et pourtant, les questions compliquée s’accumulent autour de ces mastodontes : explosion des data stockées, disponibilité énergétique, fiscalité de la création de valeur produite, loyauté en matière d’influence… etc.

Les GAFA et les BATX ont une architecture du 20ème siècle : centralisatrice et hégémoniste. Cela n’est pas tenable ni technologiquement, ni idéologiquement.

Dans la nature, il n’existe pas de concentration de données. Il n’existe pas non plus de roi de la forêt, de la mer, des champs ou même des villes. Il existe des organes vivants qui font des deals entre eux. Ils s’échangent l’information dont ils ont besoin au moment où cela leur est nécessaire et ils sont organisés pour mémoriser des historiques, que nous appelons « de l’expérience ».

À partir de ce constat, une idée s’impose : faire en sorte que les objets intelligents n’échangent des données avec d’autres objets intelligents que lorsque cela s’avère nécessaire, la juste quantité, au moment où le besoin apparaît dans un contexte win-win.

Cette approche résout la plupart des problèmes identifiés autour des GAFA et de leur homologue chinois. Ceci correspond à une option industrielle originale et de mise en œuvre simple puisqu’elle favorise la modularité et donc la segmentation des prises de risques techniques, financiers, sociétaux et environnementaux.

 

Adapter l’architecture à notre forme de souveraineté

Le développement de l’IA est lié au développement des objets connectés qui sont en réalité des capteurs d’information intelligents et serviables. L’IA, combiné aux objets intelligents, est un vecteur de progrès sociétal car il est capable de libérer l’homme des tâches ennuyeuses, dangereuses, dégradantes ou hyper-complexes.

Une vision organique de la société qui en résulte est possible et même souhaitable. l’UE est le berceau de l’Open Source et du per to per, autrement dit des machines et des réseaux ouverts et modulaires.

L’UE est en même temps le coin de la planète où s’expérimente, à l’échelle d’un continent, la gouvernance organique, c’est-à-dire ouverte et modulaire.

Ainsi, la pensée Européenne a la possibilité de se synchroniser avec sa pensée technologique ce qui est cohérent puisque nos machines sont le reflet de notre vision du monde, de ses problèmes et de la manière de les aborder.

Alors, pour l’UE, innover en matière d’IA ne consiste pas simplement à concourir au côté des continents qui ont des prétentions dans ce domaine. Il s’agit de prendre la mesure du monde qui change et de le doter des outils dont il a besoin, quitte à imposer à ses concurrents des modalités de collaboration dont le bien-fondé est démontré au sein de l’UE.

L’UE peut ainsi préserver de manière douce à sa souveraineté numérique en matière de gouvernance de ses données, de ses logiciels et de ceux qui agissent dessus. Elle peut aussi s’imposer avec des architectures innovantes et adaptées à son projet politique qui intéresse de plus en plus de continents.

La bonne nouvelle c’est qu’il s’agit pour elle de tourner le dos au gigantisme pour privilégier le modulaire, ce qui est plus adapté à sa situation et à sa culture.