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Il s’agit d’être capable de distinguer les tentatives d’adaptation et les dégénérescences,

En effet, une simplification peut être faite par lassitude ou suite à une perte d’expertise. Dans le cas d’une tentative d’adaptation, il faut observer son aspect expérimental et anticiper ses effets sur l’environnement.

Par ailleurs, une reproduction d’organe peut être loupée suite à une perturbation. Il faut donc s’occuper de réduire la perturbation. Elle peut au contraire avoir pour objet de tenter une adaptation. Ceci mérite attention et même accompagnement.

 

Le système socio-économique dans lequel nous évoluons se fige. Il doit évoluer par lui-même, mais cela n’est possible qu’à la marge et donc pas à la vitesse des changements. Par conséquent, l’évolution se fait à travers les initiatives des citoyens. Ils le font en ayant recours à la simplexité et à la vicariance.

 

Il y a simplexité lorsqu’un organisme vivant met en œuvre un processus nouveau pour augmenter son efficacité.

Il le fait en simplifiant la complexité qu’il a lui-même développée au fil du temps.

Par exemple : les joueurs de tennis de haut niveau doivent retourner une balle qui arrive sur eux à 200 Km/h, tout en construisant une stratégie de réplique. Ils ne se lancent pas dans des calculs complexes de trajectoire, mais anticipent en se basant sur leur expérience et sur des informations simples telles que le bruit de la balle dans la raquette de l’adversaire et le mouvement qu’il amorce après avoir terminé son geste de service.

Le décuplement de l’efficacité des joueurs a rendu le spectacle tellement attractif qu’il est devenu un business.

 

Il y a vicariance lorsqu’un organisme vivant tente une diversification de sa manière de se reproduire afin de répondre à un changement. La vicariance a la même racine latine que le mot vicaire : « vicare » [remplacer].

Lorsque nous modifions un texte sur notre ordinateur, il nous arrive parfois d’en faire une copie et de faire évoluer la copie. Nous pourrons revenir à la version d’origine si les modifications que nous avons faites ne sont pas concluantes.

Cette pratique de vicariance nous permet de rédiger plus de textes, mieux travaillés, et plus vite.

 

Dans le 1er cas, il y a changement de processus, dans le second cas, il y a changement de structure. Les deux sont souvent liés : on change la manière de faire puis on adapte l’organe, ce qui rend le changement complexe à interpréter pour celui qui ne maîtrise pas ces notions.

Dans tous les cas, le changement a une incidence sur les composantes du système dans lequel agit l’organe qui adopte le changement. Voilà pourquoi il est important de se donner les moyens analytiques du changement afin d’anticiper et d’orienter opportunément le contexte.

 

Les bouleversements que nous vivons actuellement sont d’une telle ampleur que nous pouvons considérer que nous changeons de civilisation. La logique voudrait que les individus se mettent à réfléchir sur la manière de s’adapter à ces multiples changements, qui s’induisent les uns les autres (effets systémiques). Mais cela ne se passe pas ainsi car la société est composée d’organismes dans lesquels agissent les individus. Ces organismes sont conçus pour assurer leur stabilité.

Néanmoins, les individus actionnent leur capacité d’initiative en contournant les dénies et les résistances des organismes, pour faire émerger de nouveaux processus et de nouveaux organismes supposés mieux adaptés. Cette manière de faire ne donne pas le meilleur résultat en termes de rationalité et de maîtrise de la violence, immédiate ou contenue.

Pour éviter le passage par une phase de cahot, nous devons nous appliquer à discerner les changements qui révèlent la dégénérescence de notre système ainsi que les organes émergents qui ne peuvent s’expliquer que par une reproduction perturbée et au contraire toutes les innovations qui représentent des expérimentations induites par la nécessité de s’adapter.

Par exemple, nous voyons que nos codes, nos lois, nos réglementations et même nos us et coutumes deviennent si complexes que notre société se fige. Notre manière de réagir et double :

  • Les individus (citoyens ou personnes morales) prennent des initiatives que nous pouvons qualifier de simplexes par rapport à ce qu’il s’est fait jusqu’à présent.

Exemple dans le monde du travail : Les générations montantes ne veulent plus de CDI et les employeurs ne veulent plus leur en proposer.

Les protagonistes ont chacun des intérêts propres et compréhensibles, mais ce double changement fait apparaître de nouveaux problèmes de précarité et de déracinement des savoirs. En particulier, ils rendent obsolètes nos institutions (dont les syndicats). Ceux-ci vont devoir accepter de nouveaux modes de fonctionnement ou disparaître et sans doute laisser la place à de nouvelles institutions plus adaptées à la nouvelle problématique.

La tentation de sauvegarder à tout prix ces institutions ne favorise pas la mutation et met donc en danger l’ensemble de notre paradigme, mais la manière dont elles deviennent inopérantes met également notre paradigme en danger. Le changement devient incontournable, mieux vaut s’y atteler que d’attendre l’effondrement.

  • Nous assistons au fait que les institutions elles-mêmes laissent se développer des « filles » qui remplissent, de manières nouvelles, des fonctions mal servies par les institutions sécularisées. Selon la manière dont cela se passe, il y a un risque de dégénérescence du système global.

C’est ce à quoi nous assistons, par exemple, dans la finance et en matière de création monétaire. Des institutions non démocratiques y prospèrent en promettant aux institutions de répondre à des besoins nouveaux. En réalité elles déstabilisent le système à leur profit. D’autres instances informelles, mais potentiellement démocratiques proposent de leur côté des solutions qui permettent d’apporter des réponses complémentaires au système en place, mais elles peinent à être prises en considération.

Les institutions démocratiques doivent donc distinguer les organes parasites des organes porteurs de promesses en matière d’adaptations. Cela passe par les débats ouverts et des actions parfois pugnaces.

Dans ces deux exemples, les notions de simplexité et de vicariance sont liées : les individus tentent de s’adapter, en le faisant, ils déstabilisent les institutions qui tentent à leur tour de s’adapter. Cela crée des incertitudes dans lesquelles peuvent prospérer de mauvaises et de bonnes solutions.

Percevoir la manière dont s’organisent les changements et prévenir les errements qui font perdre du temps, de l’énergie et du patrimoine est un travail qui doit être mené avec les prospectivistes et les futurologues qui apportent leur capacité à décortiquer la cybernétique des changements face aux besoins émergents.