De la mécanisation au numérique : quid de l’emploi ?
Par genevieve-b. vendredi 10 mars 2017, 15:28. à débattre économie | Lien permanent.
Monsieur Lenglet, et bien d’autres, sont critiques envers monsieur Hamon avec son « revenu universel » et ses taxes sur les robots. Dont act.
Leur analyse, bien que « façon 20ème siècle », peut sembler probante. Mais la question de l’emploi dépend certes du niveau d’équipement des entreprises, mais plus encore de la forme d’économie en vigueur. Que proposent-ils pour s’adapter à l’évènement de l’économie de l’attention dans laquelle nous sommes entrés depuis près de 10 ans ?
Lorsque la mécanisation s’est affirmée dans le paysage social et économique, les philosophes, en passe de devenir des économistes se sont demandé jusqu’où irait la mécanisation. Ils ont alors commencé à fantasmer sur l’oisiveté.
Lorsque la mécanisation s’est intensifiée, les ouvriers ont réagi en tentant de s’y opposer. À Lyon, ils ont cassé des métiers à tisser. Plus récemment, dans les années 80, les syndicats se sont opposés à la robotisation intensive.
François Lenglet ainsi que d’autres économistes affirment que les robots ne détruisent pas d’emploi. D’ailleurs, la mécanisation n’a finalement pas empêché l’emploi de prospérer durant le 20ème siècle.

De l’économie de la demande à l’économie de l’offre
La mécanisation a permis aux familles d'acheter des biens et des services, produits avec une grande efficacité. Ceci est dû à la réduction des coûts de main-d’œuvre et des achats de matière à grande échelle.
En économie, ce qui compte, c’est la vitesse de rotation de l’argent. Les ménages se sont mis à avoir plein de petits projets personnels. Ils ont rempli leurs placards et leurs frigos au-delà du nécessaire et l’économie a prospéré.
Mais peu à peu, nous sommes passés de l’économie de la demande à l’économie de l’offre : au début de la mécanisation, nous étions facilement émerveillés. N’importe quel produit trouvait son marché. Mais, peu à peu, devenant plus avertis et mieux équipés, nous sommes devenus plus sélectifs. Il a fallu nous séduire, nous étonner ou nous raconter de belles histoires pour continuer à nous vendre des biens et des services supposés nouveaux.
Pour passer de l’économie de la demande à l’économie de l’offre, il a fallu créer des emplois nouveaux tournés vers la séduction et la commodité. Ces emplois ont été essentiellement tertiaires, c’est-à-dire dans les bureaux.
Ainsi, la mécanisation a réellement détruit de l’emploi, mais elle a permis d’en créer d’autres.
De l’économie de l’offre à l’économie de l’attention
La manière de satisfaire nos besoins primaires devient de plus en plus agile et les prestataires qui ne répondent pas à cette exigence sont éliminés de notre paysage de consommation. Progressivement, nous passons à l’économie de l’attention.
Le numérique offre un champs infini de possibilités pour fluidifier toujours plus notre vie quotidienne et nous ne suportons plus qu'il en soit autrement.
Alors, les administrations et les entreprises se trouvent contraintes de numériser leurs interactions avec leurs parties prenantes. Cela détruit des emplois, tout comme la mécanisation a détruit des emplois. Cet emploi détruit est repporté sur l'utilisateur.
L’économie de l’attention est celle qui fonctionne lorsque nous passons du temps sur Internet, dans les réseaux sociaux ou en contact avec les médias. C’est elle qui nous rend plus exigeant vis-à-vis de l’économie de l’offre : le temps que nous passons avec les médias est pris sur le temps que nous passions à des productions familiales et à faire du shopping.
L’économie de l’attention, boostée par l’industrie des big-data, rend plus efficace l’économie de l’offre.
L’économie de l’attention crée peu d’emploi puisqu’elle a pour objet de faire produire de la richesse par les individus eux-mêmes.
De l’emploi à la contribution
L’emploi correspond à un travail produit dans un contexte de subordination. Il donne lieu à un salaire et des droits sociaux.
Tout au long du 20ème siècle, la mécanisation puis maintenant la numérisation permet de réaliser des biens et des services toujours plus circonstanciés. Ceci nécessite des processus complexes et donc de l’expertise et des talents.
L’expertise et le talent s’accommodent mal de la subordination. C’est la raison pour laquelle les environnements productif et régalien se voient contraints de faire évoluer leurs modes de gouvernance de manière à ce que les individus puissent être plus responsables de leur parcours de vie, tout en ayant un filet de sécurité, car sans sécurité, il n’est pas possible de se construire et de construire une société durable.
Au final, nous voyons émerger un secteur régalien et un secteur productif peu consommateur de temps humain, mais en même temps très exigeant en matière de préparation technique, culturelle et éthique des personnes à qui ces tâches sont confiées.
Cette préparation nécessite un tissu socioculturel de haut niveau. C’est la raison pour laquelle, le temps libéré par les machines doit être réorienté vers les contributions au développement du bien commun immatériel.
Cette mutation inédite nécessite de faire évoluer considérablement notre pacte social. Voilà pourquoi nous reparlons de revenu de base comme source