Les articles de Pierre Calame et de Jezabel Soubiran dans Le Monde

L’un comme l’autre proposent de s’occuper de la « fin du monde », mais à Altermonnaies il nous semble nécessaire de s’occuper au moins autant de la « fin du mois » au vu de l’effondrement silencieux de la classe moyenne occidentale.

Les questions d’environnement ont une dimension géopolitique en raison de l’interdépendance des économies. N’oublions pas les questions plus locales qui sont au moins aussi urgentes et qui touchent directement nos enfants.

 

La monnaie carbone ou monnaie sans dette

Le but de la monnaie carbone est de faire en sorte que les consommateurs soient pénalisés lorsqu’ils choisissent des biens et des services carbonés. Ils sont responsabilisés. Cette idée est intéressante. Mais sa mise en œuvre est impressionnante, même si la numérisation de nos vies commence à rendre cela envisageable. Les points de fraude semblent colossaux. Distribuer du crédit carbone aux citoyens du monde, assorti de mécanismes de paiement et même d’une bourse d’échange, semble pour le moment une gageure.

Toutes fois, l’idée me semble plus intéressante que la « monnaie sans dette » proposée par d’autres cercles de réflexion qui souhaitent également traiter le réchauffement climatique.

Toucher au système monétaire est l’opération la plus périlleuse que peut vouloir mener la communauté des hommes. Personne ne serait serein en entendant son chirurgien s’en prendre à son système hormonal sans pouvoir faire des essais !

 

Quel est le problème ?

L’effervescence autour de la problématique du climat / monnaie exprime deux alertes :

  • La révolte contre « la croissance infinie ». Cette notion d’infini repose sur des paramètres qui désormais fonctionnent à rebours de ce qu’ils promettaient au départ.
    • L’innovation : à présent, le progrès détruit de l’emploi puisque nous voulons faire « mieux avec moins »,
    • La démographie : elle est en attrition en occident puisque les familles souhaitent avoir moins d’enfants afin de leur garantir la meilleure enfance possible car ils savent que l’ascenseur culturel est désormais plus puissant que l’ascenseur social.
    • L’inflation : un outil délicat et injuste, aux effets secondaires tardifs, mais terribles… Qui ose s’en servir se met en indélicatesse avec ses concitoyens et ses partenaires.
  • L’hégémonie du $. Les avantages exorbitants octroyés aux USA en contrepartie de sa fonction de « gendarme du monde » n’étaient pas durables. Ils sont contestés. Alors on fait quoi ?

L’occident franchit une nouvelle étape dans son évolution. Un nouveau mécanisme monétaire devient nécessaire, mais pour le dessiner, il convient de cerner les priorités.

En particulier, nous arrivons à la fin du « toujours plus » au profit du « mieux avec moins ». Faire mieux avec moins nécessite du savoir et des talents. Les talents et les savoirs se cultivent dans un « vivre ensemble » de haute qualité.

Or, le vivre ensemble de haute qualité s’obtient en donnant du temps et des moyens aux citoyens de s’occuper du bien commun immatériel et matériel. Dans le modèle actuel, les dépenses allouées à cette forme de création de valeur sont considérées comme des dépenses.

Ceci nous amène à dire : « Et si nous inversions notre logique monétaire ? » car notre compétitivité va dépendre de plus en plus de notre capacité à développer de l’intelligence collective et de faire prospérer nos savoirs et nos talents.

 

Instaurons la monnaie de notre renouveau européen

Si le système actuel a été conçu pour récompenser en priorité les entrepreneurs, celui dont nous avons besoin à présent consiste à faire confiance aux citoyens pour qu’ils développent un bien commun de haut niveau capable de soutenir la créativité et la réactivité de nos entreprises et de nos institutions.

C’est la proposition qui est faite dans la publication intitulée « théorie qualitative de la monnaie ».

Cette proposition ne traite pas explicitement les questions de climat, elle vise à sortir du modèle « toujours plus » et donne les moyens aux citoyens de prendre leur part de responsabilité face aux problèmes du climat, mais encore plus à l’ensemble des problèmes sociétaux qui sont générés par un numérique et un délire financier qui nous conduit aux pires dystopies.

Dans le monde très numérisé qui nous envahi, la donnée devient plus importante que la monnaie car la monnaie est dépendante de la donnée.

Les citoyens européens ne veulent pas être manipulés dans des « couloirs d’influence », ni infantilisés via un système de notation sociale. Ils veulent avoir plus de liberté et admettent que plus de liberté implique plus d’engagement.

Ne laissons pas les autres leaders du numérique nous imposer une monnaie qui ne traitera ni les questions de climat, ni nos besoins de liberté et d’engagement.

Préparons la monnaie qui favorise notre renouveau européen.