Quelle est la bonne question ?

Les crises sociétales proviennent d’une combinaison de facteurs. Mais la chute d’un régime en place est systématiquement due à un aveuglement du collectif qui se concentre sur l’effet et non la cause du changement.

Macron et les personnes respectables qui ont discuté à Dubaï ne constituent que la partie visible du collectif dirigeant qui "regarde ailleurs", car ce n’est pas le climat qui délite notre modèle de société, mais l’inverse.

Ce collectif est formaté par la logique du 20ème siècle, celle qui a encouragé les entrepreneurs à prendre des risques pour créer du progrès technologique et social. Mais cette logique a atteint son paroxysme, du moins en occident.

À présent, ce progrès détruit l’environnement social et écologique et donc le système lui-même.

La question qui se pose à nous tous, est donc de savoir ce qui nous empêche de passer à un autre modèle puisque l’actuel devient toxique.

 

L’enseignement à tirer de la chute de Rome

La chute de Rome provient d’un refroidissement des pays du nord suite à des hivers volcaniques qui ont affamé les populations. Elles se sont ruées vers le sud.

Or, compte tenu de l’expansion de leurs territoires, il devenait difficile aux romains de protéger leurs frontières. Il leur fallait plus de soldats, donc plus de soldes et donc plus de pièces de monnaie.

Pour fabriquer rapidement plus de monnaie, l’empereur a discrètement changé la teneur de métaux précieux de ses monnaies. C’est ainsi qu’une colère est partie de la remise en cause de la monnaie… On connaît la suite.

En réalité, le germe de la défiance envers le pouvoir en place était déjà à la manœuvre. En particulier, pour gérer l’empire toujours plus grand, il fallait des fonctionnaires bien éduqués, c’est-à-dire des hommes capables de lire et de se comporter courtoisement.

La classe dominante n’obligeait pas ses enfants à apprendre à lire et à écrire. Ce sont des esclaves qui les ont remplacés dans les administrations. Dès lors, en silence, l’édifice est devenu instable. Etre polythéiste est devenu ridicule… Être de la « Rome d’en haut » est devenu une injure…

Plus concrètement, dans cette économie largement agraire, la classe moyenne avait été démantelée par les apports en esclaves ramenées des campagnes militaires. Les riches rachetaient les terres, chassaient les agriculteurs et les remplaçaient par des esclaves. Cette population s’agglutinait désœuvrée dans les rues. Seul le pain et le cirque leur étaient proposés pour apaiser leur faim et évacuer leur violence.

En réalité, les dirigeants avaient à faire face à un changement profond de civilisation : la montée en puissance du pouvoir par les savoirs et la nécessité de repenser la manière de produire et de répartir la richesse.

Le pain et le cirque étaient l’équivalent de nos chèques sociaux actuels, mais comme nos chèques sociaux, ces mesures n’ont pas sauvé le modèle de société.

 

Dans notre cas

Nous faisons l’inverse : nous discutons climat alors que nous devrions discuter monnaie !!!

Comme les romains, nous avons à faire face à une variation climatique significative. Mais nous avons surtout à faire face au changement de modèle sociétal : les générations montantes veulent passer de la logique du « toujours plus » à celle de « faire mieux avec moins ». Cela est possible notamment grâce au numérique, mais le numérique grignote en priorité les tâches allouées aux classes moyennes.

Or notre logique monétaire n’est pas pensée pour ce modèle. Alors, nos institutions ne remplissent plus leur mission et le haut et le bas de la société se défient mutuellement.

Parler climat sans commencer par la remise en cause de la logique financière actuelle ouvre la brèche dans laquelle notre civilisation s’effondre.

Le clan de la « fin du monde » méprise celui de la « fin du mois ». Deux courants contraires sont donc à la manœuvre. Les affamés l’emporteront, mais après combien de dégâts ?

Les plus pressés proposent la dictature « pour faire revenir l’ordre ». Mais sans modèle de société durable, ils n’iront pas très loin.

Les plus raisonnables écoutent les lanceurs d’alerte, ont l’humilité de comprendre que pour proposer un nouveau modèle de société, il faut comprendre sa trajectoire et oser entrer dans des démarches complexes pour rechercher le modèle le plus simple et le plus efficace. C’est ce qu’Alain Berthoz a appelé le processus de vicariance et de simplexité qui caractérise les phases d’évolution du vivant.

Car, l’Homme fait partie du vivant et comme le reste du vivant, ses évolutions ont un sens et le contrarier est un combat en faveur du chaos.

Autrement dit, pour avoir une doctrine solide, il faut en amont avoir fait un parcours sérieux.

Une ébauche de proposition est faite dans la « théorie QUALITATIVE de la monnaie »