La fonction des commissaires au plan consistait à ajuster les plans à 5 ans de manière à ce qu’ils n’entravent pas les options qui protègent le long terme, selon le principe : « qui veut voyager loin ménage sa monture ».

Pierre Massé a résumé la situation : « supprimer le Plan au nom d’un libéralisme impulsif serait priver le pouvoir d’une de ses armes contre la dictature de l’instant ».

 

Depuis la fermeture du commissariat au plan dans sa forme gaulliène (1986), s’intéresser au long terme a été jusqu’à ce jour perçu en France comme du bavardage.

Or, nos commissaires de l’époque ne bavardaient pas, ils ne fumaient pas de la moquette. Ils faisaient de la VLT qu'ils appelaient de la futurologie cybernéticienne.

Ce que nous appelons du « hasard » dans les processus d’évolution sont en réalité des zones d’ignorance qui nous empêchent de comprendre et donc d’agir.

Nous payons aujourd’hui très cher notre pratique du libéralisme basé sur des dogmes et non sur des perspectives bâties sur des démarches objectives.

 

Je ne reviens pas sur l’obsession de l’environnement qui veut préserver l’accès aux ressources extractives (source de profits), aux dépens de l’accès à un bien commun de haut niveau (source de prospérité). Je veux souligner les aberrations des « cost killers » sans contrepouvoir.

Boeing est peut-être victime de malveillances, mais le poids de sa culture financière dans sa gouvernance y est manifestement une des causes.

 

Le libéralisme outrancier n’étant pas dans notre culture française, sa pénétration a été menée sournoisement avec des compromis conclus sans vision sur le long terme. Nous avons donc combiné le pire du productiviste avec le pire du laxisme.

Tous les étages de notre vie sociale et économique s’en trouvent vérolés. Vérolé seulement car nous pouvons revenir sur ces aberrations rapidement.

Voici quelques exemples de défauts de gouvernance parmi une liste interminable :

  • La justice se doit d’être lente et formelle pour dissuader les justiciables d’y avoir recours. De plus, les juges doivent veiller à ce que les plaignants ne gagnent pas d’argent dans leurs procès car si tel était le cas, il y aurait trop de procès. Le monde compliqué et asymétrique ne cesse de produire des injustices. Les plaignants étant mal traités, ils utilisent les recours. Le problème étant mal posé, il est mal réglé et le désordre s’installe.
  • La médecine avec son numerus clausus rend l’accès à la médecine mal aisé, ce qui est censé réduire les coûts à la charge de la société. Or, la santé est une composante majeure de notre patrimoine collectif.
  • La recherche et les attributions de financement de l’innovation (anciennement l’Oséo – Anvar), les intervenants sont volontairement incompétents dans les domaines qui leur sont confiés afin d’éviter tout copinage entre les chercheurs et / ou les porteurs de projets d’entreprises innovantes. Ces intervenants sont des « boîtes aux lettres, façon fusible ». Les décisions du choix des attributions de budget de recherche et d’innovation sont prises au profit de l’industrie établie, sans stratégie quant au tissu entrepreneurial du futur, ni de l’environnement qui pourrait en découler. Or, la recherche et l'innovation sont indissocialbles des stratégies industrielles et culturelles. Elles doivent être comprises par l'ensemble des acteurs.

 

Regarder loin permet de se poser un grand nombre de questions sur les effets induits par chaque choix influant sur le fonctionnement de la société et son environnement.

Chers lecteurs de ce billet, réfléchissez à la manière dont vous pouvez réintroduire de la pensée à long terme dans vos processus de décision.

La Fabrique du Futur lance un master dédié à cette discipline oubliée.

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